Stéphane Carlier reste un romancier étonnant et détonnant.
Sortant des jus de la psyché, il crée une histoire aussi romantique — dans son genre — que drôle en ce qui tient d’un roman d’émancipation ou de formation même si Clara, l’héroïne coiffeuse et devenue dévoreuse de livres, a déjà plus que quelques printemps à son actif.
Mais en cette année du bicentenaire de Proust, ce livre est aussi le plus bel hommage qui puisse lui être adressé jusqu’à la fin d’un livre où le salon de coiffure n’aura fait que changer de nom — il se nomme désormais “L’Hair du temps”. Et c’est comme si l’air de Proust nimbait une ville provinciale.
Alors que les gens (comme dirait Mélenchon) préfèrent se connecter à Tik-Tok, Clara a donc décidé de lire toute “La Recherche”. depuis le début, pour son plaisir et ce, même si elle prend Céline pour “une romancière qui se faisait appeler par son prénom”…
Mais cela n’entrave en rien le goût de Clara pour son auteur fétiche. Peu à peu, ses personnages lui deviennent aussi familiers que les personnes qu’elle rencontre tous les jours. Cela, à côté de Nolwenn qui entre deux rendez-vous a mieux à faire que de penser à Proust tout en écoutant une scie de Philippe Lavil ou des Queen.
Pendant ce temps, Clara note des remarques sur “La Recherche” ainsi que des citations. Si bien qu’un tel livre devient celui d’un manuel d’existence où s’enracinent bien des réalités de l’existence quotidienne.
L’auteur en effet sait émettre ce que les clientes du salon sont capable de faire comme par exemple “mettre mal à l’aise les autres si ça se passe mal”. Cela l’entraîne à certains excès mais qu’importe. Il est des livres qui changent une vie. Même les plus réputés abscondes, difficiles voire bourgeoises.
Preuve du pouvoir des livres même si des inconscients se croient incapables de les lire. Ils ne sauront jamais le temps qu’ils ont perdu.
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jean-paul gavard-perret
Stéphane Carlier, Clara lit Proust, Gallimard, Paris, 1er septembre 2022, 190 p. — 18,50 €.