Claire Boitel, Tuer des roses

Serial Killers

De causes pre­mières en causes secondes, là où la rai­son du plus fort n’est pas tou­jours la meilleure, des esprits se ren­contrent. Dire qu’ils sont grands serait abusé puisqu’un serial killer ren­contre un autre serial killer.
Certes, ils ne le sont pas du même aca­bit. Le pre­mier, ses meurtres sont, dirons-nous, acci­den­tels eu égard à sa sen­si­bi­lité de(s) fleur(s). L’autre est un dur à cuir.

L’auteure nous pro­pose des face à face aussi impen­sables que réa­listes comme si elle avait une connais­sance par­faite de vies pour le moins étrange. Elle les remonte et les déve­loppe dans un style direct et dru, sans le moindre chi­chi mais non sans humour.
Les situa­tions sont ce qu’elles sont, même les plus sor­dides et le lec­teur ou la lec­trice ima­gine où elles peuvent mener même si Gré­goire, Théo et les autres tous arri­més à leurs propres illusions.

Les géni­teurs de Gré­goire n’y sont pas pour rien. En ins­pec­tant les dos­siers de son père, il découvre que celui-ci a légué tous ses biens aux enfants d’une ancienne maî­tresse. Sans com­prendre qu’il s’agit de la soeur du nar­ra­teur. Mais ce n’est là qu’un des nom­breux fils de la nar­ra­tion où sans cesse la fic­tion bas­cule — et en pre­mier dans l’alcool -, cha­cun n’y allant pas de main morte avec la vodka et autre véné­rable poison.

Surgit en consé­quence dans cette his­toire un peu du Dead Man de Jar­musch. Beau­coup même. Le “vrai” serial killer a com­pris — comme dans le wes­tern méta­phy­sique — que “pour que tout se passe bien avec autrui, il faut ingé­rer ensemble des sub­stances”.
Qu’elles soient tendres ou au cuir dur, les inges­tions se ressemblent.

A la fin de telles dérives — dont il faut lais­ser à tous le plai­sir de la décou­verte -, Claire Boî­tel touche et pique. Entre autres ces roses qui par­sèment son livre. D’un rouge sang bien sûr. “Plus Gré­goire regarde les fleurs, plus il voit en cha­cune une indi­vi­dua­lité (…) Gré­goire tend la main pour les cueillir, mais elles lui échappent”.
Et il y a fort à parier que — comme le ‘Dead Man’ cité — il quitte son embar­ca­tion et com­mence à nager.  Qui sait ? Pour  se noyer  ? Mais le doute subsiste.

jean-paul gavard-perret

Claire Boi­tel, Tuer des roses, Edi­tions Douro, coll. le Bleu tur­quin, Paris, 2022, 162 p. — 17,00 €.

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