Pierric Bailly, Le roman de Jim

Le par­cours d’un “père”

Florence a grandi aux Trois Che­mi­nées, un hameau parmi d’autres sur le pla­teau des Hautes-Combes, dans le Haut-Jura jusqu’à son départ à dix-sept ans. Après une errance de quinze ans avec Mar­tial, un tailleur de pierres, elle res­sent le besoin de ren­trer au ber­cail. Elle a entre­pris des études d’infirmière à la suite d’un job de caissière.

Il avait bavardé avec elle pen­dant des pauses à la super­ette. Ayme­ric retrouve Flo­rence sept ans plus tard lors d’un concert. Elle est enceinte de six mois, seule. Elle a qua­rante ans, il en a vingt-cinq et a mené, lui aussi, une vie erra­tique avec un séjour en prison.

Ces deux êtres vont se rap­pro­cher, s’aimer. Il découvre la mater­nité et s’attache à ce gar­çon qu’elle a pré­nommé Jim, même s’il n’en est pas le géni­teur. Entre les deux naissent des sen­ti­ments très forts, un immense amour qui va les connec­ter, Jim le pre­nant pour son père puisqu’il par­tage la vie de sa mère.
Quelques années après, le géni­teur appa­raît qui, peu à peu, s’installe dans la vie du couple…

Le nar­ra­teur est un homme banal, com­mun qui mène sa vie comme il peut. Il est spon­tané et sur­tout sin­cère. Il ne cherche pas à enjo­li­ver, à se don­ner une impor­tante qu’il n’a pas. Il raconte à sa manière, dit ses sen­ti­ments, ceux qu’il éprouve, ceux qu’il per­çoit des autres, de ceux qu’il côtoie, de ceux qu’il fré­quente, de ceux de son cercle rap­pro­ché. Il évoque ses amours, ses emplois, ses décep­tions, ses échecs, mais sur­tout l’amour qu’il éprouve, l’amour qu’il res­sent pour ce gar­çon qu’il aide à éle­ver.
Il raconte son par­cours, ce qu’il sait de ses amis, de ses ren­contres. Il expli­cite son tra­vail, il exprime ses res­sen­tis face aux situa­tions aux­quelles il est confronté, le manque cruel quand il est séparé.

Pier­ric Bailly pro­pose une écri­ture au ton très par­ti­cu­lier, un style qui paraît relâ­ché. Si le nar­ra­teur prin­ci­pal est Ayme­ric, le roman­cier passe sou­vent, sans aucune tran­si­tion, à une ou à un autre conteur qui donne son point de vue, raconte des situa­tions, évoque des faits.
Sauf une incar­tade dans Lyon, un tra­vail dans la gare de la Part-Dieu, l’essentiel du récit a pour cadre le Jura, le dépar­te­ment comme le mas­sif, dans cette par­tie mon­ta­gneuse où la rura­lité est encore très pré­sente. Et celle-ci occupe une place impor­tante tant dans l’histoire que pour les prin­ci­paux pro­ta­go­nistes. La dimen­sion sociale n’est pas omise à tra­vers le choix d’Aymeric de ne pra­ti­quer que les CDD, de vivre une évo­lu­tion des modes de vie rurale rela­tés de façon simple, sans emphase.
L’auteur émaille son récit de remarques, d’avis sur des faits de socié­tés mar­qués au coin du bon sens. Il donne une page magni­fique sur la beauté du corps de femmes, ces corps en voie de vieillissement.

Avec ce nou­veau livre, Pier­ric Bailly signe un texte tout en déli­ca­tesse, en huma­nité, une huma­nité qu’il dépeint par petites touches, avec des gestes simples mais signi­fi­ca­tifs, avec des mots du quo­ti­dien.
C’est un hymne à la pater­nité depuis sa genèse jusqu’à son accom­plis­se­ment sans gom­mer ni exclure la fra­gi­lité de tels sen­ti­ments et le vécu qui en résulte.

serge per­raud

Pier­ric Bailly, Le roman de Jim, Folio n° 7103, coll. “Lit­té­ra­ture contem­po­raine”, août 2022, 256 p. – 7,80 €.

Leave a Comment

Filed under Chapeau bas, Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>