Serge Le Tendre & Frédéric Peynet, Asterios, le Minotaure

Le troi­sième volet d’une belle série

Serge le Tendre voue, depuis ses plus jeunes années, une pas­sion pour des héros de la mytho­lo­gie grecque. Il a déjà mis en scène de ces per­son­nages qui portent en eux une part d’humanité. Et, c’est cette huma­nité qu’il veut mettre en avant expli­ci­tant leurs pas­sions, leurs échecs, leurs vic­toires, leurs tâton­ne­ments.
C’est cet uni­vers qu’il explore, entre autres, depuis plu­sieurs années, com­mencé avec Tiré­sias, La Gloire d’Hera. Ces deux albums sont réédi­tés chez Dar­gaud dans la nou­velle col­lec­tion Mytho­lo­gies.

Dans une hutte entou­rée de hautes murailles, Thé­sée et Aste­rios dis­cutent après s’être com­bat­tus. Aste­rios a blessé le jeune prince mais porte une large lésion au flanc droit. Il accepte un nou­veau com­bat lorsqu’il lui aura raconté l’histoire de Dédale, une his­toire qui est aussi la sienne, celle du Mino­taure.
À Athènes, le génie créa­tif et artis­tique de Dédale est reconnu. Pour­tant, depuis plu­sieurs mois, il est en panne. Il pense que son neveu veut le sup­plan­ter. Lors d’une dis­pute, il le fait tom­ber d’une muraille. Sur les conseils d’un proche, il fuit pour ne pas être accusé d’homicide.

C’est ainsi qu’il arrive en Crète au moment où Minos attend que Poséi­don le consacre roi en fai­sant sur­gir un tau­reau des eaux. Ce qui arrive !
Mais Minos ne tient pas ses pro­messes et Poséi­don se venge. Pasi­phaé, l’épouse du nou­veau roi, est amou­reuse du tau­reau et s’accouple avec lui, enfan­tant quelques mois plus tard d’un gar­çon avec une tête de tau­reau.
C’est Dédale qui reçoit la charge de l’élever. Mais en gran­dis­sant, Aste­rios pose de gros problèmes…

Le mythe du Mino­taure, à qui on livre chaque année douze jeunes gens d’Athènes pour apai­ser le cour­roux des dieux, est repris mais très huma­nisé, bien que l’absence d’humanité n’est pas où on peut le pen­ser.
Le Mino­taure de Serge Le Tendre est un être consi­déré comme mons­trueux avec cette tête de tau­reau plan­tée sur un corps humain. S’il a été renié dès sa nais­sance par sa mère, éloi­gné par le roi, il a connu une enfance heu­reuse au sein de la famille fon­dée par Dédale dans son exil en Crète. C’est en gran­dis­sant qu’il res­sent le rejet, le dégout chez les autres. Son atti­tude amène la déci­sion de l’isoler, le soin étant laissé à Dédale de conce­voir un lieu où il ne pour­rait plus paraître aux yeux des populations.

En mêlant inti­me­ment la vie de l’architecte à celle de cet être dif­forme, le scé­na­riste pro­pose un récit d’une belle huma­nité avec un dénoue­ment où l’image de ceux qui sont entrés dans l’Histoire comme des héros, comme Thé­sée, n’en sort pas gran­die. Il pose aussi la res­pon­sa­bi­lité des adultes, de ceux qui par­ti­cipent à la mise au monde d’êtres dif­formes qui ne seront que des souffre-douleurs.
Der­rière l’histoire du Mino­taure, c’est celle de ces vic­times dont on aurait pu évi­ter, d’une manière ou d’une autre, l’arrivée dans la société humaine. Dans ce récit, la vie de cet être mal formé, voué à la soli­tude et au mépris, est très lié à celle de Dédale, cet archi­tecte célèbre pour son laby­rinthe et ses ailes per­met­tant de voler.

Les per­son­nages prennent vie par le des­sin et la mise en cou­leurs de Fré­dé­ric Pey­net. Avec un trait déli­cat, d’une belle effi­ca­cité pour faire expri­mer les émo­tions, les sen­ti­ments de la gale­rie de pro­ta­go­nistes. Il met en œuvre des cou­leurs lumi­neuses qui rap­pellent celles des lieux où se déroulent le récit. Mais, si le gra­phisme est très plai­sant à regar­der, il n’occulte pas la tra­gé­die qui se déroule.

Serge Le Tendre annonce qu’il a, sous le coude : “…d’autres récits dans les­quels les mythes anciens et modernes s’affronteront…” Ce Mino­taure montre une belle facette du per­son­nage dans un récit sédui­sant sou­tenu par une mise en images du plus bel effet.

serge per­raud

Serge Le Tendre (scé­na­rio) & Fré­dé­ric Pey­net (des­sin et cou­leur), Aste­rios, le Mino­taure, Dar­gaud, coll. “Mytho­lo­gies”, août 2022, 72 p. — 16,50 €.

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