Jean-Benoît Puech est un farceur. De son héros écrivain inventé de toutes pièces, il se fait — et nous avec — le prédateur et la proie.
Et ce, via les prédicateurs adulateurs de ce Jordane qui, aussi faux que lui, font voir de toutes les couleurs à la prétention érudite.
Preuve que, pour bien écrire, il faut avoir un auteur même fictif sous la main. Cela permet une invention comique eu égard à la pâleur prolifique de l’oeuvre de Jordane et de ses acolytes.
Si ce n’est leur victorianisme janséniste, nous pourrions facilement estimer qu’ils boivent l’alcool en litres.
Puech transforme son héros en arme fatale de ses circonvolutions et involutions. Tout est adorablement faux là où le noir pousse le blanc et le blanc le noir. Reste ce qui coule et ce qui remonte de l’écriture pour le seul bénéfice du trouble.
C’est comme si l’auteur avant d’écrire avait écouté, attendu puis écarté ces cuistres avant de donner naissance à leurs théories et autres prétentions interprétatives.
Se donne en partage de l’illusion réaliste mais avec tous les artifices possibles. Puech se moque des dissertations doctorales rendues à ce qu’elles sont : des divagations en terres austères.
A la place de la verroterie des penseurs de fond fait place le joyau d’un livre qui les prend pour ce qu’ils sont.
Cher à son optique du décalage comme il le pratique souvent (cf. son Louis-René des Forêts, roman), l’auteur réinvente ceux et ce dont il parle. Existe donc une œuvre de fiction de la fiction. Elle permet une réflexion sur certaines pratiques culturelles dont ici la représentation est désopilante sans que la simple caricature ne s’impose pour autant.
jean-paul gavard-perret
Jean-Benoît Puech, Cinq matinées du Jordane Club, Illustrations de l’auteur, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2022, 240 p. — 27,00 €.