Trois clandestinités, trois destins
Sur fonds de ces trafics de drogues qui s’implantent durablement en France, de factions politiques et mafieuses, le romancier détaille le parcours d’une jeune femme aventureuse à la fin des années 1960 et le début des années 1970.
Il la fait voyager dans des mouvances, des nébuleuses entre kibboutz du Néguev et effervescence de mai 68 à Paris, des groupuscules gauchistes aux organisations terroristes comme Septembre noir, des réseaux de drogues aux cercles de jeux… Corruption, magouilles, prévarications, violences diverses rythment le quotidien de ces années.
Le récit débute en janvier 1974 quand Michel Eperlan, un officier de la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne se rend sur l’échangeur de la porte de Bagnolet où un cadavre a été retrouvé. Il découvre un homme jeune sans doute torturé avant d’être tué.
Dans un train en direction de Marseille, une jeune femme repense aux moments dramatiques qu’elle vient de vivre. Elle a, de manière instinctive, enchaîné les coups qu’elle avait appris pendant son service militaire pour se débarrasser des deux tueurs, laissant son ami Ghislain derrière elle. Elle ne voulait pas mourir.
Müll, un ancien du 1er régiment étranger de parachutistes, est au Maroc pour prendre en charge une cargaison de marchandises à la place de Characin, disparu dans la nature.
Eperlan est revenu sur les lieux sans trouver d’indices significatifs. Le cadavre est vite identifié. Il s’agit de Ghislain Breuil-Martel, un fils de famille qui a déjà eu maille à partir avec la justice comme militant maoïste. Celui-ci s’est trouvé entraîné dans une sombre histoire qui explique la fuite de cette jeune femme qui se réfugie dans les Cévennes ardéchoises où elle mène une vie solitaire sous une épée de Damoclès.
Les trafiquants veulent récupérer l’argent qu’elle et Ghislain ont volé… Eperlan veut boucler son enquête.
Trois personnages principaux occupent la scène. Une jeune femme énigmatique qui a fait main basse sur une petite fortune et qui compte bien la garder pour elle malgré les risques qu’elle encoure. Un flic désabusé, un homme qui a fait la guerre de Corée, qui en est revenu avec quelques morceaux de fer dans sa chair et beaucoup de mélancolie. Un ancien de l’armée passé au Service d’Action Civique, structure qui participe activement à introduire des drogues.
Entre ce flic qui a raté sa vie, il est en instance de divorce, et cette Alba/Mélanie, se nouent des relations étranges quand il la piste, puis pendant les quelques jours où ils devront cohabiter.
Xavier Boissel reconstitue nombre de faits, de situations de cette époque autour de ce fameux SAC, cette officine parallèle du général de Gaulle. Il restitue l’atmosphère et livre, à travers les parcours de ses protagonistes, de nombreuses réflexions sur l’état de la société, réflexions qui s’appliquent parfaitement aujourd’hui étant donné que la nature humaine n’évolue pas vraiment.
Pour ceux qui aiment la nature, son récit sur l’ambiance hivernale dans un coin isolé des Cévennes donne envie de vivre de tels moments.
Avec une base historique très solide, Xavier Boissel croise, dans la France des années 1970, trois destins dans une intrigue au cordeau, portée par des personnages brillamment construits.
serge perraud
Xavier Boissel, Sommeil de cendres, Éditions 10/18, coll. “Polar”, juin 2022, 288 p. — 14,90 €.