Jane Sautière se situe ici entre deux mondes et deux villes : Phnom Penh et Paris. Si bien que, d’un lieu à l’autre, tout un puzzle se crée : “de petits débris flottent et se déplacent dans le vitré projetant parfois des formes sur la rétine. Ce que l’œil perçoit est l’ombre de ces corps flottants. Comme dans un cosmos, certains se satellisent et s’agrègent.“
Mais pas tous, et ceux qui font en quelque sorte dissidence sont les plus intéressants.
A priori, entre une adolescence à Phnom Penh dont l’auteur garde de fait moins de souvenirs que des traces d’ombres projetées et le Paris d’après, tout est à double entrée et sur plusieurs plans. L’auteure nous fait basculer dans une ville perdue et presque oubliée où des silhouettes apparaissent — parents, camarades de lycée, un grand amour sous fond de la violence de l’Histoire du pays à cette époque.
A côté, Paris est pâlichon. Mais ” dans les deux fuseaux horaires, dans les deux latitudes” surgit le plus beau des crépuscule par la survivance d’une lumière entre chien et loup.
jean-paul gavard-perret
Jane Sautière, Corps flottants, Gallimard, collection Verticales, août 2022, 112 p.