Romancier aussi facétieux que sérieux, Yannick Haenel instruit une histoire particulière : celle d’un banquier qui veut tout dépenser mais pas n’importe comment.
D’abord étudiant en philosophie, le héros arrête la philosophie pour s’inscrire dans une école de commerce. Le voici nommé à Béthune, dans la succursale de la Banque de France — banque il est vrai assez particulière dont le profit n’est pas le premier souci.
Dans ce nord, le néolibéralisme a installé un paysage de crise. Il y eut d’abord les fermetures des mines qui en annoncèrent bien d’autres…
Et dans ce paysage ravagé, la vie du Trésorier-payeur va devenir une aventure. Soutenu par le directeur de la banque, il défend les surendettés mais — et ce n’est pas mince — découvre le vertige de l’amour et surtout du sexe avec une libraire rimbaldienne.
Il ne s’arrête toutefois pas en si bon chemin : il rejoint la confrérie des Charitables, participe à Emmaüs et rencontre la femme idéale en une dentiste qui a bien du mordant.
Le romancier devient ainsi un auteur engagé d’un genre particulier. Il prouve que l’on peut-être une sorte d’anarchiste tout en restant banquier pour que ne cesse une respiration certaine. Il prouve avec verve et humour comment articuler ce qui parait incomptable.
L’empathie et l’érotisme permettent de faire avec un monde a priori réservé au calcul. D’autres les remplacent pour un certain bien de la communauté comme de la littérature. Dans le genre, c’est plus que bien.
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jean-paul gavard-perret
Yannick Haenel, Le Trésorier-payeur, Gallimard, collection L’Infini, 18-08-2022, 432 p. — 21,00 €.