Une saga familiale historique
C’est autour du pain, cet aliment simple et essentiel, que Jean-Charles Gaudin conçoit une dramaturgie en deux cycles de deux albums.
Un officier allemand félicite Marguerite pour la saveur de son pain et disserte sur la représentation et l’importance de cet aliment jusqu’au moment où une silhouette menaçante apparaît.
L’action se déporte de quelques années dans le passé quand la famille Martineau arrive à Saint-Jean pour ouvrir une nouvelle boulangerie. Le couple a deux enfants, Marcelin et Monique, des jumeaux. Leur arrivée n’est pas bien vue par celui qui est déjà installé.
Si les premiers jours les clients restent invisibles, le bouche-à-oreille initié par Mme Lacore, la première qui ose franchir la porte de du magasin, porte ses fruits et tous s’accordent à dire que le pain est meilleur. Les affaires marchent bien au point d’ouvrir un second magasin près de la plage. Les enfants sont heureux, mais les nouvelles ne sont pas bonnes.
C’est la déclaration de guerre, la mobilisation du père et Marguerite qui, formée par son mari, prend le relais. L’arrivée de réfugiés ardennais bouscule les situations, mais pas autant que celle de l’armée allemande, le 21 juin 1940.
Marguerite va devoir composer avec ces nouvelles situations jusqu’au moment où…
C’est une période difficile que retient le scénariste pour commencer sa première époque dans un cadre qui se voulait pourtant charmant. Un village côtier, des habitants qui, malgré les menaces venant d’Allemagne, mènent une vie agréable. La famille Martineau s’en sort bien et les enfants, dans ce décor, sont heureux. C’est une chronique villageoise avec sa diversité.
La guerre modifie profondément le quotidien et l’auteur enchaîne les événements, faisant intervenir de nouveaux protagonistes. C’est dans ce contexte qu’un basculement s’opère, traité avec une belle maîtrise par le scénariste. Il introduit des données qui déchaînent des bouleversements tant dans la société villageoise que chez des individus. Il développe ceux-ci avec adresse comme les conséquences du départ des hommes pour le front, pour les combats, pour la mort avec obligation, pour ceux qui restent, de les remplacer.
En page titre, les auteurs placent une affiche qui résume fort bien ce que représentait le pain à cette époque de disette.
Steven Lejeune pour le dessin et Roberto Burgazzoli Cabrera pour les couleurs assurent un graphisme à la tonalité très classique, réaliste. Un premier album passionnant pour cette chronique villageoise qui bascule dans quelque chose de bien plus dangereux pour les uns et les autres.
serge perraud
Jean-Charles Gaudin (scénario), Steven Lejeune (dessin) & Roberto Burgazzoli Cabrera (couleur), Au Nom du pain — Époque 1 : Pain noir 1939–1944, t.01 : “Marcelin”, Glénat, coll. “24x32”, avril 2022, 56 p. – 14,95 €.