Tandis que les bruits de la rue sèchent après une nuit de pluie, l’amant transi sort de son roman de gare en répandant sur le trottoir la rumeur douce de ces heures passées dans une chambre et sur un lit dont les draps demeurent encore froissés et avant qu’ils soient changés.
L’aimée rêve encore en provinciale. Les secondes, les minutes, les heures s’étendent comme les amants le furent sous le ciel magnanime du lit (chambre 305) d’un hôtel proche de la tour Magne, animés. Sans doute recommenceront-ils, soir venu à neuf heures, en prenant soin bien sûr d’en souffler mot à leur conjoint.
Ils savent que,s’il est possible de tromper 1000 personnes une fois, il est improbable de le pratiquer mille fois pour la même. Deux fois, passe encore. C’est à quoi s’engagent ces deux amants avant que leur route s’éloigne lucidement et sur l’autoroute ascète (ou 8).
Le siècle des passions n’est donc pas terminé à qui sait faire du lieu de l’amour une chambre scellée qui restera muette. Dans ce but, les déshabillés entre les draps blancs éteignent la lumière pour éviter tout regard indiscret.
Seul celui d’un chat lissant son propre pelage pourrait les repérer. Mais de lui nul aveu n’est à craindre — d’autant que lorsque la scène s’éternise il se meurt d’ennui (du trio, il est bien le seul). A force, il regarde les murs pour ne pas voir le mal glisser sous les yeux tandis qu’une voix aux abois crie “Maman !” ou “Papa” suivant l’âge et les vacations verbales des partenaires.
Le tout afin de souligner l’instant de grâce et donc bien avant que la furtive lune de miel passée les deux amants — dont l’un à la queue désormais basse — s’éloignent.
Rêver, pour eux, fera le reste. Dehors pourtant rien n’a changé. Le ciel ressemble à un miroir où ne se reflètent que la lumière et son oubli.
Chacun des deux cherche encore la fugitive image de leur histoire.
jean-paul gavard-perret
Photo de Philippe Litzer