L’amant au lit se tue et l’amante qui se trouve soumise à ce chevalet d’insomnie sous la lucarne d’une lune rouge roule avec lui dans le drap du stupre. Ils vivent l’un en l’autre même si parler ainsi est facile lorsqu’on s’étend de la sorte à l’abri des neiges en écoutant les bruits sourds qui montent du pays pris dans le piège de la blancheur tombée sur la ville et qui semble s’étendre sur des mèches jadis brunes.
Elle le rassure : “tu n’as guère changé, sauf tes tempes à couleur d’écume. Mais qu’importe c’est toi que je veux”. Il faut la tenir pour addict aux hommes suaves et vénéneux. Elle les porte en elle comme un secret. Certes, elle en éprouve parfois des maux de tête alors, pour essayer de refroidir sa fièvre, elle pose son front nu contre un tel homme et s’amuse à leurs jeux qui jamais ne lui apparaisse contraignants ou ennuyeux.
Disons le tout cru : elle se laisse enfourcher sur de tels animaux avec entre ses cuisses leur pelage qui va l’amble à travers ses landes bourrues faites de soleil fraîchi de faible brise, de bruit de feuillage remué voire d’herbe couchée et de gros cailloux roulés par le sabot de sa monture pour vivre des jours infinis avec pour seul repas l’amour et l’eau fraîche.
En respirant puissamment les odeurs de transpiration de son cheval de trait jusqu’à une ivresse un peu lourde comme en ont les femmes les jours d’été où il fait trop chaud. Lui vit fièrement dans un tel attelage sans se soucier des forces blotties vivantes et que, par une grâce inconnue, il ne cesse de retenir jusqu’à revienne le jour et qu’ils se fassent monter du thé anglais et que l’un d’eux reprenne le train pour Amritsar où les Sikhs jadis révoltés répandaient la terreur.
jean-paul gavard-perret