Avec un couple improbable de héros, un commissaire au caractère bougon et une jeune noble de 22 ans au caractère primesautier, le scénariste entraîne son lecteur dans une aventure palpitante et délicieusement rusée.
Dans un bistrot de banlieue, un certain Palovski se fait arrêter par deux policiers sous les ordres du commissaire Bertille. Tandis qu’ils rentrent au quai des Orfèvres en voiture, une grosse boule rouge leur coupe la route pour atterrir dans la forêt. Le commissaire, accompagné d’un agent, s’approche pendant que l’autre reste pour garder le prisonnier. Alors qu’il est abasourdi par ce qu’il voit, une jeune femme, élégamment vêtue, sort des fourrés. Elle s’approche, séduite par cette énorme boule.
Deux coups de feu retentissent, le policier resté de garde s’est fait surprendre et le prisonnier a fui. Mais le commissaire veut savoir d’où sort cette jeune femme. Elle lui explique qu’elle rentre de chez une amie et qu’elle a vu ce truc dans le ciel, quelle a voulu en savoir plus.
Envoyant ses limiers sur les traces du fugitif, il utilise l’automobile et le chauffeur de la jeune femme. Elle finit, face à sa lourde insistance, par lui dévoiler son identité. Elle est majeure et s’appelle Bertille de Chavronnes des Argons.
Mais le commissaire n’est pas au bout de ses peines car le Préfet de police le harcèle pour qu’il retrouve le prisonnier et qu’il vienne à bout de cette boule qui… grossit. Or, ni les explosifs, les bombes, les pilonnages ne l’égratignent. Et selon les scientifiques, dans quelques jours, elle aura tellement grossi que…
Avec cette étrange boule d’un rouge éclatant, arrivée dans une période comprise entre juillet 1926 et novembre 1928, l’auteur illustre les attitudes face à l’inattendu. Trop souvent, face à l’inexplicable, à l’étrange, la peur s’installe et la réaction humaine est d’essayer de détruire ce qui est considéré comme une menace.
Mais la boule imaginée par Éric Stalner est une menace. Elle grossit selon une règle mathématique qui, si elle est constatée, reste incompréhensible. La masse qu’elle va représenter est fabuleuse et entrainera une suite de catastrophes.
Parallèlement, le commissaire, qui rencontre de plus en plus souvent la jeune femme, est confronté à des problèmes bien épineux comme retrouver cet individu dont la disparition est aussi inexplicable. Quoique !
Les dialogues sont pétillants et les échangent entre les héros sont enlevés et humoristiques.
En auteur complet, Éric Stalner assure dessin et mise en couleurs. Il propose, pour cette dernière, une palette très fournie des différentes teintes que l’on peut trouver entre le blanc intense et le noir intégral. La seule autre couleur est le rouge qui habille la boule, mais qui se trouve aussi sur les lèvres de l’héroïne et sur quelques accessoires vestimentaires comme une écharpe, un boa…
Certes, on retrouve le dessin si caractéristique de l’auteur bien qu’ici il reconnaisse avoir retenu un trait plus léger, peut-être moins réaliste. Mais, il en résulte une pure merveille graphique.
Avec ce récit où se mêle tensions, menaces, mais situations drôles, tendres, Éric Stalner offre une superbe histoire portée par deux personnages remarquables, que l’on espère pouvoir retrouver bientôt dans de nouvelles aventures.
Éric Stalner (scénario, dessin et couleurs), Bertille & Bertille — L’étrange boule rouge, Bamboo, label “Grand Angle”, juin 2022, 104 p. – 19,90 €.