Baronne (Léthé des passions — 1)
Je suis la Pompe Adour, la Nichon de Lenclos, la putintin du tee-baie, de mille houx et d’autant de râblés et d’abbés prévôts plus ou moins vifs de l’andouillette mais aux bourses toujours trop pleines et au sang chaud. Chacun me grignote le boudoir parfois plus qu’il n’en faut. Mais dans ce cas le trop n’est pas l’ennemi du mieux.
Par douzaines ils ont gobé mon huître et il n’y a pas un seul qui s’en plaigne — même aujourd’hui où je suis devenue grand-mère. Les flûtes qui m’enchantent ne sont pas l’objet que de quelques vieux obèses. Au moins deux sur trois sont jeunettes, rassurées de ne pas placer dans mon tiroir un polichinelle.
D’où ces poly chineurs entrepreneurs de mon mont de Vénus et de ma vallée de Josaphat qui redevient prenable étant donné leur arsenal. Bref, de leur sceptre, me sautent pour le meilleur. Certains sont pleurnicheurs mais la plupart raffolent de la pastiquette et font des plans sur ma comète même s’ils me nomment commère de Windsor et me prennent pour leur mère.
J’en ai qui tètent encore la leur, le vrai. D’autres prétendent qu’ils ont tout vu, tout entendu, tout fait. Mais j’ai le nez du coin de la rue et leur turf je le connais. Leur comtesse n’a pas de bas bleus et ne laisse jamais sa clef aux pâtres. Qu’ils me sautent et se mettent sur moi à califourchon — fût-ce à ronce vaux -, passe. Mais qu’ils s’éternisent dans mon lit, il ne n’est pas question.
Tous finissent au mieux chez ma concierge. Avec eux je suis une fillette qui joue à la marelle, qui déchire sa robe légère aux griffes des buissons sur des coussins moelleux sous mes reins et mes fesses. S’ils m’aiment, je prie pour qu’il ne me le disent pas. Je les tuerais. Ils ne le méritent pas. Enfin presque.
Et ce, même si ma jeunesse est restée sur un quai. Mais chaque fois je tiens mes promesses et je ne chôme pas. C’est pourquoi les finir par deux pruneaux dans le buffet… Sans parler d’après : la morgue, les obsèques et probablement l’enquête et la presse charognière.
S’il vous plaît, tout de même ! Sans parler de ce que dirait mon mari et ses frères, la forêt, la fontaine, le château, l’étang et même Musset.
jean-paul gavard-perret
Peinture de Jacques Cauda