Projetant son récit dans quelque quarante ans, Christian Laborie imagine un monde qui, bien que différent, possède de nombreuses ressemblances avec celui que l’on peut connaître aujourd’hui. Il pose des zones urbaines de plus en plus insécurisées. Il propose un climat social largement inspiré de celui que l’on peut connaître. Il évoque le vandalisme sous couvert de revendications, les secteurs de non-droit.
Il présente ces zones rurales de plus en plus désertiques qui attirent, toutefois, une population qui peut se permettre de s’éloigner de son lieu de travail ou qui fait des choix de vie différente. Il compose une situation climatique cohérente avec l’évolution de celle vécue au début des années 2020.
Simon Jourdain, Lise son épouse, et leurs deux enfants ont fui les cités tentaculaires pour s’installer près d’un village, dans les basses Cévennes. Ils ont restauré un vieux moulin. Simon, journaliste, assure une chronique régulière, en télétravail, pour un quotidien national. Sans regrets, Lise, avait quitté son emploi dans une agence de publicité. Elle aurait aimé vivre de sa passion, la peinture. Elle s’y adonne en soirée. Jonathan 12 ans et Alice, 8 ans, suivent leur scolarité par Internet.
Ce 6 septembre 2060, Jonathan alerte son père sur l’arrivée de menaçants nuages. Après avoir mis à l’abri ce qui risquait d’être abimé par la pluie, Simon part à la recherche de Lise et Alice. Celles-ci sont à Alès, à une trentaine de kilomètres, pour des courses et le cadeau d’anniversaire de Simon, le lendemain. Après avoir échappé à une manifestation, prétexte à des saccages et du vandalisme, elles reprennent la route sous une pluie intense.
Mais Simon se fait une entorse. Le 4x4 de Lise tombe en panne pas très loin de la maison. Elle décide de la rejoindre à pied. La pluie redouble. Lorsque Lise et Alice approchent du moulin, le cours d’eau habituellement à sec est infranchissable. Et la pluie s’intensifie…
En romancier en pleine possession de son art, Laborie développe péripéties et rebondissements en utilisant la montée des eaux et des accidents domestiques. Il va plus loin cependant, instillant un suspense fort avec des connections qui déborde largement les lieux de vie de la famille Jourdain.
Pour décor de son roman, il retient les Cévennes, une région qui lui est particulièrement chère, qu’il connaît bien. Il fait œuvre de fiction, certes, mais il faudrait demander aux habitants de la vallée de la Roya ce qu’ils en pensent car, pour eux, une telle fiction a pris quelques tristes couleurs de la réalité.
Les Naufragés du déluge se lit avec un grand plaisir pour la tension du récit, pour le sort de ce quatuor en grandes difficultés et pour les développements annexes fort pertinents.
serge perraud
Christian Laborie, Les Naufragés du déluge, Les Presses de la Cité, label “Terres de France”, février 2022, 304 p. – 21,00 €.