Frédéric Potier, La menace 732

Un vrai mode d’emploi du coup d’État 

Le roman­cier ins­talle un pro­ces­sus qui semble impa­rable. Une par­tie de l’armée, de la classe poli­tique rejettent le résul­tat des urnes. Des grou­pus­cules réa­lisent une série d’actes de van­da­lisme, d’attentats pour fra­gi­li­ser le pou­voir. L’intrigue se déroule dans les lieux de pou­voir, de Mati­gnon à l’Elysée, du Palais du Luxem­bourg au Conseil consti­tu­tion­nel, de la DGSI à Sciences Po…
Les put­schistes pro­fitent du moment où la vie est presque sus­pen­due pour cause de congés, quand les res­pon­sables sont épar­pillés dans des endroits de détente, les admi­nis­tra­tions tournent au ralenti.

Ce 25 avril, la France a élu Mar­tine Bor­das, une pré­si­dente de la Répu­blique de gauche. Elle l’a emporté de jus­tesse sur la can­di­date d’extrême-droite.
À la direc­tion de la DGSI, Vir­gi­nie Trinh Duc s’inquiète sérieu­se­ment. La situa­tion est ten­due.
L’élection s’est tenue dans un cli­mat de quasi-guerre civile. Cer­tains estiment l’élection volée, mul­ti­pliant les polé­miques média­tiques. La paru­tion d’une tri­bune de mili­taires appe­lant à une quasi-insurrection lui fait craindre le pire. Elle estime qu’il est grand temps d’agir.

La capi­taine Nina Miriem, nou­vel­le­ment inté­grée à la DGSI, est appe­lée en ren­fort au Conseil consti­tu­tion­nel pour la publi­ca­tion des résul­tats. C’est après les élec­tions légis­la­tives que la situa­tion se dégrade vrai­ment.
Alors qu’il se désole à la lec­ture de Valeurs actuelles, le lieutenant-colonel Guillaume de Mire­poix est appro­ché par un homme. Celui-ci se pré­sente comme Mon­sieur Alexis et lui pro­pose de l’aider à faire valoir ses convic­tions de patriote.

Et des actions com­man­dos sont conduites. Plu­sieurs bâti­ments offi­ciels sont van­da­li­sés. Des tags s’étalent sur des devan­tures. Mar­tel 732 est ins­crit en majus­cule sur les lieux emblé­ma­tiques.
Un atten­tat contre la pré­si­dente de la Répu­blique, en vacances à Bré­gan­çon, pousse la pré­si­dente du Sénat à prendre les rênes d’un comité de Salut public…

Si Fré­dé­ric Potier donne une belle image de l’enchaînement des faits, il conçoit une série de per­son­nages qui retiennent tous l’attention, dans le bon ou le mau­vais sens, que ce soit pour le main­tien de l’État de droit ou pour un chan­ge­ment radi­cal. Ils sont ter­ri­ble­ment cré­dibles et s’inspirent du sérail qui sévit actuel­le­ment.
Il les pré­sente de façon attrac­tive, déve­lop­pant leur passé et le par­cours qui les place dans la situa­tion qu’ils occupent. C’est ainsi qu’il met en scène une pré­si­dente de la Répu­blique, du Sénat, un Pre­mier ministre aty­pique et des mili­taires loyaux et félons. Gra­vitent autour de ces élus des ser­vi­teurs de l’État, ceux qui sont nom­més pour défendre les institutions.

Le roman­cier donne une belle place aux per­son­nages fémi­nins puisque ces dames sont majo­ri­taires dans les hautes places de cette his­toire. Il nour­rit son intrigue avec nombre d’informations sur le fonc­tion­ne­ment de ces ins­ti­tu­tions, sur des pro­to­coles.
Pre­nant le pré­texte d’une ses­sion esti­vale de cours en faculté, il fait décor­ti­quer par une enseignante-chercheuse une dizaine de coups d’États célèbres, ceux de l’histoire ancienne ou récente, même très récente puisqu’il évoque, à plu­sieurs reprises Trump, sa ten­ta­tive contre le Capitole.

Il déve­loppe les argu­ments des félons, comme le rem­pla­ce­ment et donne au mou­ve­ment le nom de Mar­tel 732, une signi­fi­ca­tion lim­pide. Il pré­sente les moti­va­tions des pro­ta­go­nistes du drame, leurs argu­ments, qu’ils soient rece­vables ou non dans une démo­cra­tie.
Mais l’auteur implique sans détour la Rus­sie qui, depuis son ambas­sade de Paris, se mêle d’agir sur la poli­tique fran­çaise avec le déclen­che­ment d’une opération.

Il use d’un humour acide, mul­ti­pliant des remarques, des anno­ta­tions sur la société fran­çaise et son mode de gou­ver­nance. Ainsi, par exemple : “…l’ouverture d’esprit n’étant pas la chose la plus par­ta­gée dans l’appareil d’État fran­çais…” ou “Dans le mil­le­feuille ter­ri­to­rial qui fait le charme de l’administration fran­çaise.
Il dis­tille nombre de réfé­rences repre­nant des pro­pos de Mal­raux, Vol­taire, Montaigne…

Frédé­ric Potier, qui œuvre dans le milieu gou­ver­ne­men­tal, en connaît bien le fonc­tion­ne­ment et donne un roman fort docu­menté, à l’intrigue qui tient en haleine, gla­çant à souhait.

serge per­raud

Fré­dé­ric Potier, La menace 732, L’aube, coll. “Noire”, mai 2022, 352 p. — 19,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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