Rodolphe, Olivier Roman & Denis Béchu, Sprague

Lorsque l’eau manque…

La dis­pa­ri­tion de l’eau, l’élément fon­da­men­tal pour la vie sur Terre, a fait l’objet de nom­breux récits. Rodolphe pro­pose une nou­velle vision inté­grant une par­tie de science-fiction avec l’interrogation sur les Grands Anciens. Ces êtres supé­rieurs, ins­tal­lés sur la pla­nète avant l’émergence de la race humaine, sont cen­sés avoir laissé des traces avant de dis­pa­raître anéan­tis par des pan­dé­mies, des catas­trophes ou sim­ple­ment repar­tis vers leur lieu d’origine.
Il retient donc, pour cadre, une société de type agraire, peu indus­tria­li­sée, où la tech­no­lo­gie est absente.

À Goëm, dans la baie de Sprague, les habi­tants ont vu dis­pa­raître la seconde lune. La mer s’est pro­gres­si­ve­ment reti­rée pour dis­pa­raître com­plè­te­ment. Deux frères, Niels le meilleur grim­peur et Vivian le son­deur, mènent chaque matin une ins­pec­tion sans résul­tat. Deux expé­di­tions sont par­ties mais ne sont jamais reve­nues.
L’eau va man­quer et, d’après le bourg­mestre, il va fal­loir aban­don­ner le vil­lage. C’est cette remarque qui décide les deux frères à aller voir au-delà de l’horizon. Ils réus­sissent à convaincre O’Greg, le capi­taine qui pos­sède le Tapi­noir, un voi­lier sur roues, de les accom­pa­gner pour tra­ver­ser le désert et ten­ter de com­prendre com­ment l’eau a pu dis­pa­raître.
Mais, savent-ils ce qu’ils vont trou­ver ? Ont-ils la per­cep­tion des embûches qui les guettent ?

Pour faire vivre son his­toire, le scé­na­riste s’appuie sur un qua­tuor de per­son­nages dont deux sont par­ti­cu­liè­re­ment sin­gu­liers : le capi­taine et son per­ro­quet. Ce der­nier est un acteur du récit fort dégourdi car il sait gui­der son maître dont la vue est défaillante et il est capable de lui faire la lec­ture.
Les livres occupent tou­jours une place bien par­ti­cu­lière dans les scé­na­rii de Rodolphe qui fut, avant d’être le scé­na­riste pro­li­fique que l’on connaît, pro­fes­seur de lettres, libraire et jour­na­liste. Mais cette raré­fac­tion de l’eau est un pro­blème très actuel, sans par­ler de l’écologie, avec ces inves­tis­seurs qui font main basse sur des réserves qu’ils revendent à ceux qui ont besoin.

Le des­sin d’Olivier Roman est tout en finesse, en clarté, avec des traits légers pour une mise en images réa­liste. Que ce soit dans les vues pano­ra­miques où ses pers­pec­tives font mer­veille, ou pour des gros plans, il pro­pose des détails per­ti­nents. Les per­son­nages sont faci­le­ment iden­ti­fiables et leur ges­tuelle est natu­relle. On pour­rait tou­te­fois ergo­ter avec la façon dont Niels monte sur une échelle de corde.
La colo­ri­sa­tion est l’œuvre de Denis Béchu qui joue avec maes­tria de teintes rete­nues dans des gammes douces pour don­ner des éclai­rages de toute beauté. Le grand for­mat sied super­be­ment à la valo­ri­sa­tion du gra­phisme et à cette intrigue qui mêle fable éco­lo­giste, aven­ture et science-fiction.

serge per­raud

Rodolphe (scé­na­rio), Oli­vier Roman (des­sin) & Denis Béchu (cou­leurs), Sprague, Édi­tions Daniel Maghen, mai 2022, 88 p. — 19,00 €.

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