Le soir de sa fin, Roussel ne voulait pas mourir : “il voulait, pensons-nous, uniquement dormir” estimait (sans doute à tort puisqu’il s’ouvrit les veines…) sa compagne Charlotte Fredez.
Et son affirmation vient sans doute — comme l’estime Sciascia - de ce qu’elle fut rattrapée par le culte des rousselliens qui virent en elle la femme dévouée au génie, témoin de ses derniers jours et de sa mort.
Après une enquête sans autopsie et d’une rapidité étonnante, il est décrété par la police de l’État fasciste italien que “M. Roussel — de nature neurasthénique — s’était suicidé par excès de barbituriques dans la nuit du 13 au 14 juillet”. C’est alors que Leonardo Sciascia entre en scène, comme véritable enquêteur
Il reprend avec soin et circonspection le procès-verbal du juge Margiotta ainsi que les dires des témoins et des proches de Roussel. Il pointe alors bien des incohérences. La conclusion est aussi surprenante que sans appel : “il n’avait pas envie de mourir”.
Et c’est l’occasion pour Sciascia de présenter une critique des méthodes de la police fasciste. A mesure que les indices s’accumulent, il souligne les bizarreries. Et quand les faits se figent, l’auteur fait apparaître le mystère et la complexité.
Jusque dans sa mort, Raymond Roussel se devait de demeurer une énigme, fidèle à qui il fut : dandy toxicomane, inventeur de bizarreries littéraires salué par les surréalistes dont Breton qui le considéra comme “le plus grand magnétiseur des temps modernes”.
jean-paul gavard-perret
Leonardo Sciascia, Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel, traduction de l’italien par Jean-Pierre Pisetta, Allia, Paris, 2022, 64 p. — 7,00 €.