Ettore Molinario, Dialogues 15

                                                                                                                                                       

Paolo Ven­tura, The painter’s story #04, 2019, Italy /  Ano­ny­mous, Entre­cuisse épin­glée, 1930, ca., France

Dou­leur, où est ta victoire ?

Il suf­fit d’une petite bles­sure, d’une mise à nu : le corps s’ouvre et il per­met de regar­der l’inconnaissable.
Et ce nou­veau cha­pitre de la “col­lec­tion Ettore Moli­na­rio” offre un dia­logue par et sur les brèches qui déchirent le corps et les images.

Enre­gis­trant les entailles, les oeuvres rete­nues méta­mor­phosent l’expérience de la dou­leur en connais­sance là où le coeur gri­mace sour­de­ment et dans le calme émo­tion­nel.
Même si les yeux, l’esprit, le cœur devraient grimacer.

L’artiste ita­lien rap­pelle que le corps est invi­sible car pro­tégé par la sur­face de la peau. Nous igno­rons le plus sou­vent ce qui s’y passe.
Mais, à tra­vers ses emprunts, Moli­na­rio l’ouvre par-delà la peur d’autant que la bles­sure a sou­vent été dans l’art occi­den­tal le sym­bole d’un salut.

Ici, sur la pho­to­gra­phie de Paolo Ven­tura, un filet de sang coule sur le visage, les yeux et la sur­face d’un man­ne­quin et tache une mer­veilleuse che­mise impec­cable et de luxe haute cou­ture si bien que la photo de mode rejoint la photo de guerre et en devient l’héritage.
A côté, le corps d’un nu ano­nyme est mar­ty­risé par une cou­ronne d’épingles et d’épines au niveau du haut des cuisses et du sexe. Mais rien n’est trahi du spasme de la douleur.

Dans ces deux prises, cha­cun semble souf­frir en silence et intact.
Et la cru­ci­fixion d’une femme des années 1930 sur une dra­pe­rie blanche devient équi­va­lente à celle du Christ sur la croix.

Moli­na­rio pro­pose ainsi la fas­ci­na­tion que créent de telles images. Et ce, comme le fit Bataille et le théo­rise aujourd’hui Georges Didi-Huberman.
De telles images ouvertes deviennent des rites d’initiation qui empêchent de fer­mer les yeux pour nous rap­pro­cher — méta­pho­ri­que­ment bien sûr — de l’expérience de la douleur.

jean-paul gavard-perret

Ettore Moli­na­rio, Dia­logues 15, Col­le­zione Ettore Moli­na­rio, Milan, 2022.

1 Comment

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One Response to Ettore Molinario, Dialogues 15

  1. Anne Marie Carreira

    Superbe !

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