Principes premiers et contexte
Si nous en croyons Helga M. Novak, il y aurait un âge pour chaque chose.
Et à la fin de son livre d’avouer — via Silvatica — qu’elle est trop vieille pour l’amour et que, retirée dans sa maison de la forêt recouverte de neige, elle attend sa fin. La sienne et peut-être de l’espèce humaine.
“Quoi que je partage avec toi / je laisse le cœur à gauche / je tombe sur un os / tu ne peux pas viser ailleurs ?”, écrit-elle dans sa langue nue qui évoque les amours entre le braconnier Eustachos et une figure féminine, tour à tour compagne et proie du chasseur, dans une indécision des rôles et des sentiments.
Dans une histoire aux confins de la Pologne, la créatrice s’approprie le mythe de la Grande Chasse sauvage, cette mythologie nordique des chasses du dieu Odin pour restituer sa fable de l’âge où se jouxtent politique, inquiétude écologique et quête intime et douloureuse.
Dans ce livre dur voire féroce, Helga M. Novak évoque une vie presque première parmi loups, sangliers, chevreuils. Eustachos s’y est réfugié comme dernière possibilité en son rapport archaïque à la nature et un combat contre la chasse d’État de la nomenklatura.
Ses hommes en uniformes, avec tronçonneuses et hélicoptères, traquent le déserteur, chassent le chasseur.
Mais Silvatica l’accompagne. Elle est néanmoins le trophée de celui dont elle suit la trace jusqu’à l’ultime sauvagerie de l’amour — dernier acte de chasse — avant que l’amour se remise définitivement.
Autant par la disparition d’un tel amant que celle du temps d’avant pour revenir à une solitude première.
jean-paul gavard-perret
Helga M. Novak, Silvatica, traduit de l’allemand par Laurent Cassagnau, 2022, 104 p. –21,00 €.