Le jeu brutal et enfantin que Cholodenko propose ici prouve que tout humain est un marin à l’eau de rose, à l’eau de prose qui ici s’évapore à mesure qu’elle avance.
Les coeurs fragiles échouent ainsi sur les rivages du cap Bonne-Espérance que tout jeu de hasard propose.
C’est ainsi que les capitaines de nefs des fous partent à la dérive dans l’espoir de trouver un haut fond, une île, mille îles pour s’échouer en paix comme Jonas, qui fuit la face de l’Éternel. Mais il est vite rattrapé par la courte paille — dont le bingo est une autre version.
Alors, il se jette à l’eau pour calmer la tempête. Mais avant qu’il soit rattrapé par le ventre des émotions et désirs, l’auteur saisit ce poisson qu’il bouffe tout rond
Plutôt que s’égosiller les cordes vocales toutefois, il s’oblige à se taire lui-même en un jeu ironique d’effacement ou substitution.
Si bien que lui comme ses lectrices et lecteurs se reposent à l’ombre de la baleine même si elle n’a plus d’épaisseur que celle d’une carpe ou d’une carte.
jean-paul gavard-perret
Marc Cholodenko, Bingo, P.O.L éditeur, Paris, 2022, 96 p. –17,00 €.