La Préhistoire est une période qui fascine. Les vestiges qui sont parvenus jusqu’à nous interrogent sur les modèles de sociétés et les modes de vie des humains de cette époque. Comment évoluaient-ils compte tenu des conditions climatiques quelque peu différentes de celles que nous connaissons ? Comment organisaient-ils leur existence quotidienne ?
Avec ce livre, Sophie Marvaud lève une partie du voile et apporte des réponses à de nombreuses questions.
La famille des Quatre-Encoches, du clan des Grandes-Mains-Blanches, arrive au bord de l’océan du Bout-du-Monde. Tous ses membres ont fait un long voyage dangereux car la famille a perdu un chasseur. Diminué, le groupe ne pourra pas chasser suffisamment pour se nourrir pendant l’hiver.
Le chef, Le Fonceur, décide de doter fastueusement sa fille aînée pour négocier des provisions. Pour cela, ils sont venus chercher des coquillages, chose très rare et très prisée dans leur région.
Ils ont été guidés par Licorne-la-Puissante, leur chamane qui a su se faire aider des Esprits. C’est une petite femme aux cheveux gris, coiffée d’un crâne de lion où sont plantés deux baguettes de coudrier. Elle a déjà quarante printemps. Il lui faut former celle qui lui succèdera car le clan ne peut rester sans chamane. Elle pense à Iranie, la fille cadette du chef, qui lui semble avoir le profil idéal.
La jeune accepte avec enthousiasme malgré les contraintes que ce statut impose. Alors que la famille, ayant fait provision de merveilles, s’apprête à repartir le lendemain, le cadavre d’Iranie est découvert dans l’océan au matin. Très vite, la chamane comprend que le meurtrier ne peut être qu’un membre de la famille…
L’auteure place son récit quelque 15 000 ans avant Jésus-Christ avec des clans vivant dans la Périgord, entre Dordogne et Vézère. Les sites fantastiques de Lascaux témoignent d’une activité humaine forte sur les lieux. Elle appuie son récit sur un clan composé de familles. Celles-ci se réunissent pour passer un hiver encore rude avant de se disperser, la bonne saison revenue, pour chasser et explorer leur univers.
Marvaux aborde toutes les problématiques auxquelles ses personnages pouvaient être confrontés, les rapports entre les membres d’une famille, avec celles qui composent le clan. Elle met en scène le gros souci de se nourrir, mais aussi les sentiments qui pouvaient les animer comme la haine, la jalousie, le goût pour le pouvoir…
Elle donne une grande place aux rapports entre ces humains et leur environnement. Ces rapports passent par la chamane qui est l’intermédiaire entre leur réalité et les puissances surnaturelles. Et ces dernières sont nombreuses tant les Magdéléniens subissent de plein fouet les diktats de leur univers et ignorent tout des phénomènes naturels.
Tout était inconnu, susceptible de menaces. La tentation était grande de croire à des forces supérieures, sentiment renforcé par des individus, avide de pouvoirs, de renforcer ce sentiment et de s’ériger comme le seul intermédiaire capable de dialoguer avec eux. Dix-sept mille ans après, cela n’a pas changé ! Quel progrès pour l’humanité !
Les descriptions des peintures et des gravures pariétales sont réelles, qu’il s’agisse de Lascaux, de Combarelles… Jean Clottes préface de belle manière ce thriller préhistorique.
Après Le Choc de Carnac (Éditions 10/18 – 2020), Sophie Marvaud, par ailleurs historienne, signe un livre qui mêle avec maestria connaissances historiques, hypothèses vraisemblables en cohérence avec la perception actuelle et un peu de fiction pour renforcer l’intérêt.
serge perraud
Sophie Marvaux, La Chamane de Lascaux, Éditions 10/18, coll. “Polar” n° 5732, février 2022, 288 p. – 7,90 €.