Quand écrire ou dessiner, c’est découdre
Gérard Titus-Carmel dans Le Huitième Pli rappelle l’essentiel : ce qui compte en art, c’est la beauté. Cette évidence demeure toujours bonne à souligner après des décennies de disette où beaucoup d’artistes lui ont tourné le dos. Souvent la seule « beauté » ou « bonté » du geste comptait. Qu’importait le résultat. Cette position fut et reste commode. Elle manque pourtant non seulement d’ambition mais de courage. Atteindre la beauté n’est pas simple. L’artiste le dit : « c’est chaque fois peine perdue : elle nous échappe au moment même où nous croyions nous parfaire dans son évidence ».
Pour autant son miracle existe entre « la crainte de sa défaillance » et l’espérance de sa lumière. Entre le noir et le blanc. Ce blanc d’ « Albâtre »
« Par mesure de profondeur gagnée
les yeux acquis à la transparence
au froid central de la pierre »
Titus-Carmel pour le saisir choisit la ruse d’un mouvement de déplacement et d’épure. Il s’agit de perturber toute tangibilité afin de créer une tension nouvelle. Dans ce but, l’artiste et poète opte en art pour une image qui échappe à l’apparence, et en poésie pour la langue arrachée à la narration. L’objet d’ Albâtre reste donc l’énigme de l’image, le mystère de la langue. Les deux désincrustent l’enfoui comme au fond d’un pli inaccessible, terré ou perdu dans les autres méandres du mondes. Qu’importe si la beauté s’y laisse plus soupçonner que prendre. Blanc sur blanc surgit son « point d’ouverture ».
Cherchant mon l’effet mais l’usure, Titus-Carmel y pénètre pour rompre avec la ressemblance. Ecrire ou dessiner revient — dit l’artiste — à « découdre». Il ne s’en prive pas.
jean-paul gavard-perret
Gérard Titus-Carmel,
- Albâtre , Editions Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2013, 72 p. — 14,00 €
- Le Huitième Pli ou le travail de la beauté , éditions Galilée, Paris, 2013, 264 p. — 24,00 €