Ces poèmes de jeunesse de Pasolini sont d’une rare élégance. Le vocabulaire est sobre, hanté de quelques images rémanentes.
Et l’auteur s’y présente plus vieux qu’il ne l’était.
Se découvre en conséquence la séparation de l’être intérieur et de l’apparence que le miroir incarne et creuse. Ainsi que le sentiment profond que chacun a de soi et qui, d’une certaine manière, n’est pas le “bon”.
En effet, pour Pasolini, le réel ne coïncide jamais avec la réalité de l’image que l’âge aggrave : l’âme peut rester pure au fur et à mesure que le corps se corrompt. Pasolini le sait et en souffre.
Dès lors, entre vingt-trois et vingt cinq ans, il traque déjà les signes de la mort (qu’il a connue à travers celle de son frère). Si bien que ces poèmes deviennent comme le bas-côté de la vie à la fois sombre et ensoleillé.
Tout semble surgir du silence. Celui de la campagne qui poussait déjà à une solitude mortelle et omniprésente. L’espace est donc à la fois ouvert et fermé. L’ensemble reste vacant.
Il s’agit de faire face à ce vaste désert et “cette lumière hors de moi” où, en dépit du réel, l’enfant rêve encore et que l’homme affirme en cet héritage son “je suis vivant.”
jean-paul gavard-perret
Pier Paolo Pasolini, Je suis vivant, bilingue, traduit de l’italien par Olivier Apert & Ivan Messac, Postface de Leonardo Sciascia, Editions Nous, Paris, 2022, 104 p. — 10,00 €.