Un roman psychologique, spirituel et émouvant
Martha a quarante ans. Elle tient une chronique culinaire humoristique pour le magazine des supermarchés Waitrose. Son mari est médecin spécialisé dans les soins intensifs. Elle oscille toujours entre les extrêmes et lui garde toujours le juste milieu.
Elle a une sœur cadette de quinze mois qui attend son quatrième enfant. Son père aurait pu être un grand poète. Son premier texte avait été publié dans le New Yorker était prometteur. Mais son recueil est toujours dans la rubrique À paraître. Sa mère réalise des sculptures avec les matériaux de recyclage les plus divers. Selon un article du Times, elle est une sculptrice d’une importance mineure.
Martha, depuis ses dix-sept ans oscille entre bipolarité, anorexie et dépression, une suite de pathologies qui lui détruisent la vie. Elle est toujours profondément mélancolique. Ses actes au quotidien sont généralement incompréhensibles et elle a beaucoup de mal dans ses rapports aux autres.
Patrick, son mari, l’a quittée depuis deux jours. Elle n’a plus nulle part à aller…
Avec un ton léger, presque badin, l’auteure décrit l’existence quotidienne d’un microcosme centré sur Martha, sur sa famille et son environnement social proche. C’est la description d’une femme au comportement sans cesse borderline, mêlé cependant de tendresse. Elle est entourée de personnages aux portraits cocasses, aux attitudes et réactions amusantes teintées de dérision.
Meg Mason dépeint les rivalités, les jalousies, les illusions et surtout les désillusions, les non-dits. Le ton est à l’humour et à la tristesse à la fois car c’est le récit, avec un détachement d’entomologiste, de la vie d’une tribu qui n’a quasiment rien réussi. En fait, l’existence de nombreuses personnes qui ont eu des projets, des ambitions mais que les circonstances n’ont pas permis de concrétiser ou parce que le talent n’était pas au rendez-vous.
Toutefois, à l’attention des hypocondriaques qui assimileraient quelques douleurs à l’état pathologique de l’héroïne, l’auteure précise bien que les symptômes décrits ne correspondent pas à une maladie mentale réelle, que les traitements, les médicaments et conseils médicaux sont purement fictifs.
Évidemment Martha est un roman tendre et sombre qui conjugue profondeur psychologique et humour acéré.
serge perraud
Meg Mason, Évidemment Martha (Sorrow and Bliss), traduit de l’anglais par Anne Le Bot, Le cherche midi, coll. “Roman étranger”, mai 2022, 416 p. — 22,00 €.