Qui n’est pas poursuivi par le fantôme d’un arbre ? Autour de lui louvoie une forme de volupté particulière. Écritures photographique et littéraire se côtoient ou se disjoignent pour penser le paysage, dans ses mystères, ses ruptures, son opacité et parfois son silence.
En miroir d’un essai sur l’acte photographique et la perception de son propre corps lors des prises de vue, l’écrivain-photographe Marc Blanchet, par l’horizontalité du paysage ou la verticalité d’un arbre, met face à un univers qui surgit entre soudaineté et disparité, présence et profusion.
Nous entrons en la vibration de l’arbre. Parfois ‚il reste un corps lointain nous en sommes séparés.
Parfois, il devient la silhouette d’attente tout en restant les rempart d’un monde premier.
Pour Blanchet, l’arbre nous arrache à nous-mêmes. Son injonction silencieuse est le seul recours quand on voudrait toujours être en son centre, il est le coeur de ce qu’on ressent. L’élan vital et le refuge. “ Venez dans mon royaume dit l’arbre ” disait déjà Guillevic.
Celui-là reste le temps qui n’en finit pas de s’incarner. Il est la source à laquelle s’abreuvent toutes les feuilles de la vie.
Bref, il est. Le ciel est divisé par lui. Il en emporte le quotient. L’arbre est d’emblée sa masse. Il forge la poussée vers nous d’une profondeur qui va rester close : elle est en cela irreprésentable.
Pourtant, il y a le miracle de la photographie qui n’en finit pas de l’ouvrir jusqu’à la chair. Non seulement de qui il est mais de la femme qui est aussi le centre d’une telle histoire.
jean-paul gavard-perret
Marc Blanchet, 17 secondes & And Also The Trees, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, avril 2022, 72 p. — 20,00 €.