Trois personnages — un braqueur plus ou moins raté, un écrivain confirmé qui décide d’emprunter une nouvelle identité, un solitaire vieillissant victime consentante d’un funeste contrat — se partagent les rôles de ces trois nouvelles.
Péju souligne ainsi des succès damnés qui font souhaiter une impureté (qui nous habite nous-mêmes) à la caserne de notre prétendue pureté. L’auteur fait passer du paroxysme de l’idéal à l’abîme bestial, son enfer, sa germination.
Ces narrations fabriquent des perspectives que nous voulons ignorer. Le tout parfois sous le joug du sérieux, parfois de la dérision. Chaque histoire permet de se souvenir de grands soirs ou de cauchemars. Cela sent le soufre et la farce.
Les nouvelles constituent la longue allée inaccomplie des animaux que nous sommes via de tels héros. Allant à leur chasse pour casser leurs déserts d‘ennui, ils s’annexent au peu qu’ils sont — voire pire. Sans cesse, ils glissent vers le tronc de leurs jours et de leurs nuits en ouvrant une réflexion sur l’identité, l’art, la littérature, la vieillesse et la mort.
C’est une manière de rappeler que, comme eux, nous nous revêtons d’un pelage ou nous nous vautrons dans des fables iconoclastes qui font de tels personnages des Méphisto fait d’aise et de ces griffes soumis au pouvoir de la bête. Sa hantise, ses coloris, ses cris, ses poils, son rire, sa dynamique.
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jean-paul gavard-perret
Pierre Péju, Effractions, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 5 mai 2022, 300 p. — 21,00 €.