Jacques Réda reste le partisan invétéré des lettres manuscrites qui transitent par la poste. Avec Affranchissons-nous il avait déjà souligné l’importance d’une telle pratique. Mais les temps changent.
Naguère, l’envoi d’une missive était anodine, naturelle. Certes le poète ne soupçonnait pas encore la révolution “postale” que le numérique allait entraîner. D’où ce nouvel opus.
Face à cette désolation moderniste, Réda devient le chantre des petits bureaux de province et des timbres.
Et l’auteur de se justifier :“Certains s’étonnent – c’est un étonnement ricaneur – que l’on ne puisse traiter d’un thème, même modeste, sans remonter à l’origine du (ou des) univers. Mais c’est la moindre des choses à mon très humble avis. Car autrement, comment comprendre ce dans quoi nous sommes compris, et par exemple cet acte banal d’écrire une lettre et d’aller la glisser dans une des boîtes jaune-triste de la Poste ?”
Il souligne aussi le signe avant-coureur de la transformation néfaste des boites à lettres en “ce changement de couleur au détriment d’un bleu proche de celui des paquets de cigarettes Gauloises, celles que l’on avait fumées depuis Vercingétorix. Une sorte de bleu horizon est resté pris dans ce jaune de beurre un peu ranci.“
Dès lors, amis des compostages manuels des préposés au courrier, ce livre deviendra votre bréviaire.
Il se veut en effet un règlement de comptes aussi nostalgique qu’assassin mais où l’ironie reste majeure. La modernisation du système postal n’est donc pas du goût de son auteur. Néanmoins; le pessimisme reste allègre afin de ramener qui nous sommes et la société à un reste de raison.
Finalement, être timbrés devient un acte de résistance dans un monde devenu baroque et empli des stigmates de non-vie plus que d’existence.
jean-paul gavard-perret
Jacques Réda, Restons timbrés, timbres de l’auteur et Dominique Pagnier, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, mai 2022, 40 p. — 10,00€.