Annie Cohen, dans ce récit d’un épisode difficile pour elle, tente de soulever son mystère. Souvent, c’est par la gouache qu’elle cherche à en venir à bout.
Ici, l’écriture la relaie en une sorte de récits de la pensée dont le corps est le miroir.
Cette entreprise narrative porte plus loin ce que l’image tente et ne fait pas forcément et ce, en analysant au passage ses possibilités.
L’écriture est donc cette musique étrange qui transcende l’horizon narratif et pictural là où divers expédients permettent de faire qu’écrire c’est dessiner — autant à l’ombre des vitraux de Chagall que des approches de Guyotat, Bataille ou Michaux.
En des incantations, le réel le plus précis segmente un propos qui finalement avance et pourrait ne plus s’arrêter et où, d’une certaine façon, sinon renaît du moins continue le monde dans la courbure des phrases.
Chaque instant du récit devient un point mouvant… C’est aussi un paysage, une habitation, une architecture. Si bien que le livre se transforme en une anthropologie terrestre au sein d’une course au-delà du fond de la dépression. C’est là où il prend sa source mais pour en sortir.
Là demeure l’interrogation suprême. Pour une telle analyste de psyché, c’est par la brisure narrative que se perçoit la rupture du concept.
Il rompt le récit pour le faire devenir pensée dans les figures de ce que Spinoza nommait les “ narrations mentales ”.
jean-paul gavard-perret
Annie Cohen, Les musiques de l’âme, Editions Des Femmes — Antoinette Fouque, Paris, 2022, 176 p. — 16,00 €.