D’hier à aujourd’hui — retour à Syracuse
Dans cet histoire de spectres, le langage de l’intime — grâce à la fable — trouve un autre sens. Le sujet amoureux appartient soudain à un autre monde.
Ulysse vit une histoire d’amour dans le sein de la nymphe Calypso. Caché au fond de la fontaine Aréthuse, il séduit bien des jeune filles.
Le texte de Thireau devient forcément érotique et baladeur. Des ombres parmi les ombres dansent là où le sujet est suspendu aux autres.
Proies et prédateurs basculent — chacun à leur façon -, et dans des idylles qui poussent à des états quasi schizophréniques symboles de l’héritage des mondes grec et romain.
Toute une mythologie est reprise et largement corrigée là où Ulysse abandonne le réel pour le rêve. Et ce, jusqu’au sein d’une Italie qui mêle l’hier et l’aujourd’hui . Soudain, par cet effet miroir, tout s’ébroue et enchante.
Entre jupes et frétillants poissons, les femmes ne sont jamais insensibles aux “fesses dodues” d’Ulysse qui ne s’en trouve en rien marri.
Certes, les assauts de divers amants et de diverses amantes (dont en premier chef Assurdina, la belle Sicilienne qui découvre le manuscrit de cette histoire apocryphe de héros grec) ne sont pas toujours couronnés de succès escomptés.
Mais Thireau, dans cette dérive, fait penser le désir ou plutôt le scénarise selon des visions aussi terrestres que célestes.
Le langage, en ses rapports à la sensualité, enroule, frôle et crée de manière plus ou moins furtive un marivaudage d’un genre inédit où tout reste sur le point de basculer.
Cela, loin de tout sentimentalisme naïf. L’auteur nous emmène bien au-delà par un tel discours amoureux où ce qui se nomme “drague” prend un autre sens.
jean-paul gavard-perret
Philippe Thireau, Noces à Syracuse. Noces, Editions Tindbad, Paris, 2022, 68 p. — 13,00 €.