…vers une fin de cycle en feu d’artifice ?
Avec une idée de départ fort originale, Olivier Bocquet continue de surprendre par sa capacité à faire rebondir son récit, multipliant les pistes et les protagonistes, peuplant sa Préhistoire d’une belle galerie de personnages, retenant tous l’attention. Il joue avec une maîtrise peu commune avec plusieurs parcours, avec des décalages temporels et des distorsions spatiales et déroule une histoire attractive.
Peu économe de péripéties et coups de théâtre, il multiplie des retournements de situations tout en gardant une belle cohésion. Les dialogues, hauts en couleurs, sont percutants.
Une femme et un homme se présentent devant une porte de garage condamnée par des bandeaux utilisés pour identifier une scène de crime. Ils passent outre pour réveiller deux individus. Le couple est là pour recouvrer, au nom d’une banque, les dettes des deux garçons. Survient alors, en moto, une jeune femme noire qui propose de régler leurs arriérées malgré la somme importante.
C’est Anoukis qui vient rencontrer ceux qui vont inventer, dans quelques quarante ans, le smartphone. Elle les presse de le réaliser au plus vite pour aller dans la Préhistoire, suivant, en cela, l’exemple de Franck.
Quelques années plus tard un couple est dans un orphelinat pour adopter un adolescent un peu turbulent. Mais devant ses exploits, ils reculent. Or, il s’agit des détectives privés embauchés par Anoukis pour retrouver Franck à qui elle veut absolument parler avant son saut dans le passé.
C’est tout ce qu’elle raconte à Francisco, l’amour de sa vie qui avait basculé dans la Préhistoire quelques décennies avant elle. Mais, avec l’appareil qu’elle a emporté, elle détermine la date précise où ils se situent. C’est celle d’une terrible catastrophe. Il faut fuir. Mais où ? Et n’est-il pas trop tard ?
Bocquet égaie son récit avec un humour débridé, bon enfant, multiplie les facéties où s’entremêlent tendresse, ironie et malice tout en portant un regard acéré sur les travers de notre société. Il dénonce l’absence de dignité humaine quand il fait donner l’ordre, par un personnage, de poser une option, de réserver le gamin en vue de son adoption comme on peut le faire pour un objet.
Le scénariste intègre la légende des créateurs d’Apple dans leur garage, la fuite d’Égypte sous la conduite de Moïse, l’extinction des dinosaures… Il croise nombre de faits sociétaux s’amusant à les déformer pour le meilleur angle cocasse.
Brice Cossu qui assure le graphisme depuis le premier tome offre encore et toujours un trait élégant, des dessins oscillant entre réalisme et caricature. Il privilégie les regards et offre des personnages à la gestuelle remarquable, des décors qui attirent l’œil, multiplie les détails et met en valeur les gags visuels. Yoann Guillo, par ses couleurs soignées, assure la cohésion de la série.
Avant-dernier tome annoncé (mais les auteurs n’ont-ils pas encore des réserves ?), on ne peut que saluer cette série qui, loin de s’essouffler, fait croître l’intérêt d’album en album par la diversité de son scénario et par ce graphisme qui réjouit le regard.
serge perraud
Olivier Bocquet (scénario), Brice Cossu (dessin) & Yoann Guillo (couleurs), FRNCK – t.08 : Exode, avril 2022, 56 p. – 11,50 €.