Les aventures de deux enfants extraordinaires
L’action débute en 1927, pendant la première guerre mondiale. Le conflit se poursuit entre l’Angleterre et l’Allemagne, avec l’intervention d’une troisième force, composée de robots. Ceux-ci prennent part aux combats sans choisir de camp. Émilien et Noémie sont des cousins placés, dès leur enfance, dans un pensionnat huppé. Génies en herbe, ils ont créé leur univers dans un arbre-cabane et expérimentent toutes sortes d’inventions. Si les parents baroudeurs de Noémie reviennent et les ramènent au manoir familial, le père d’Émilien, le professeur Clausborough, reste introuvable. Il travaillait à une machine révolutionnaire pour le concours Jules Verne. Les deux enfants retrouvent Amelia et Terence, les assistants du professeur. Ceux-ci ont la certitude qu’il a été enlevé et qu’il est séquestré quelque part pour refaire son invention. Tous décident alors, pour trouver une piste, de terminer le prototype et de se présenter au concours, à Paris. Mais, la route est longue dans un pays conquis, les ennuis techniques et humains ne manquent pas, d’autant que de mystérieux ennemis s’ingénient à multiplier les obstacles.
Le scénariste organise son récit autour de deux adolescents qui se sont construits loin de leur famille. Férus de sciences, ils sont entourés des deux collaborateurs d’un inventeur génial et d’un individu au passé obscur, plein de ressources dans les domaines les plus divers. Une histoire ayant un tel cadre, par l’époque et la mise en œuvre des technologies, ne pouvait que fédérer tout ce qui compose le steam-punk. Et le scénariste ne s’en prive pas, de robots improbables, proches de « Transformers », aux nombreuses machines et installations inventées par les uns et les autres. Il a déjà fait état de son goût prononcé pour ce genre dans les deux tomes de Songes (Les Humanoïdes Associés)
L’histoire qui débute aux environs de Londres, se poursuit en France, à Paris, avant d’entamer un voyage vers les Amériques. Si le tome 1 est muet quant à la mère d’Émilien, le tome 2 apporte quelques pistes surprenantes dont il faut attendre la confirmation. Denis-Pierre Filippi construit un scénario tonique, dans la plus grande tradition du roman d’aventures, tel qu’il s’écrivait à la fin du XIXe siècle, mâtinée de fantastique, entraînant les lecteurs dans une équipée avec énigmes, disparitions mystérieuses, souterrains laboratoires secrets, espionnage… Il distille, tout au long de son scénario, un humour subtil, fait de réflexions amusantes, de situations cocasses, n’hésitant pas à user du comique de répétition.
Silvio Camboni assure un dessin stupéfiant, offrant des planches aux décors fabuleux, des vues splendides, des panoramas d’une grande classe, aux perspectives osées, le tout avec un grand souci du détail. Ses premières vignettes avec les falaises d’Étretat vues sous trois angles sont superbes. Il débute le tome 2 avec une bataille aérienne et un vue plongeante époustouflante sur Tower Bridge. De plus, avec sa manière de donner une silhouette bien particulière à ses personnages, de les doter de visages expressifs grâce à des regards empreints d’une grande humanité, il réalise un sans-faute. Son dessin est soutenu par une mise en couleurs particulièrement réussie de Gaspard Yvan.
Une belle série qui conjugue une histoire passionnante et un graphisme de toute beauté. À suivre avec passion.
serge perraud
Denis-Pierre Filippi (scénario), Silvio Camboni (dessin) & Gaspard Yvan (couleurs), Le Voyage extraordinaire, tomes 1 et 2, Vents d’Ouest, avril 2012 et mars 2013, 48 p. – 13,90 €.