Anne et les autres
Le roman de Lise Gauvin commence pratiquement comme celui de Camus et la même écriture y est en jeu. La comparaison s’arrête là.
A la tendre indifférence du monde qui s’ouvrait à Meursault succède l’attention portée par l’héroïne au chevet de sa mère durant son agonie de cinq jours.
Forcément, dans ce temps si particulier tout est propice à l’introspection. L’auteur tente de remonter la vie de sa mère puis par effet retour celle de sa grand-mère et ensuite et en rebonds inversés sa propre existence. A cet effet de feuilletage se mêle aussi l’histoire du Québec depuis la fin du XIXème siècle et par-delà encore l’histoire d’Anne, fille de roi et lointaine aïeule de l’héroïne qui au XVIIème siècle quitta la France pour le nouveau monde pour y fonder sa famille et construire un pays neuf.
Elle représente donc le portrait fantasmé d’une lignée de femmes.
Dès lors s’instruit le portrait collectif de générations de femme actives et bienveillantes jusqu’au dernier mot de la mère mourante à sa fille : “Et toi, comment vas-tu ?”. L’écriture dégagée de tout pathos crée une émotion qui par le retour du passé porte vers l’avenir en un bouillonnement d’une culture.
Celle-ci passe d’une femme à une autre par effet de génération.
L’auteure nous plonge en une sorte de cartographie qui tente de repérer le centre, le noeud d’un histoire de et des femmes. Si bien que le roman — dans la sécheresse de son langage — crée une irradiation dont les ondes se diffusent et imprègnent un tel moment clé riche d’informations sensorielles.
En ce moment de fixation, la fiction se gonfle d’un mouvement qui ne semble jamais plus pouvoir s’arrêter comme si ce récit prenait le relais de la vie.
Se découvre un monde où se perdre, un monde qui fonce paradoxalement dans les abysses mais aussi vers un soulèvement que provoque la sobriété l’écriture. Elle génère l’impression polyphonique d’une berceuse où tout finit, où tout commence par celle qui devient entomologiste du destin des femmes.
jean-paul gavard-perret
Lise Gauvin, Et toi, comment vas-tu ?, Editions des femmes — Antoinette Fouque, Paris, 21 avril 2022, 160 p. — 14,00 €.
Lise Gauvin, Et toi, comment vas-tu ?
Anne et les autres
Le roman de Lise Gauvin commence pratiquement comme celui de Camus et la même écriture y est en jeu. La comparaison s’arrête là.
A la tendre indifférence du monde qui s’ouvrait à Meursault succède l’attention portée par l’héroïne au chevet de sa mère durant son agonie de cinq jours.
Forcément, dans ce temps si particulier tout est propice à l’introspection. L’auteur tente de remonter la vie de sa mère puis par effet retour celle de sa grand-mère et ensuite et en rebonds inversés sa propre existence. A cet effet de feuilletage se mêle aussi l’histoire du Québec depuis la fin du XIXème siècle et par-delà encore l’histoire d’Anne, fille de roi et lointaine aïeule de l’héroïne qui au XVIIème siècle quitta la France pour le nouveau monde pour y fonder sa famille et construire un pays neuf.
Elle représente donc le portrait fantasmé d’une lignée de femmes.
Dès lors s’instruit le portrait collectif de générations de femme actives et bienveillantes jusqu’au dernier mot de la mère mourante à sa fille : “Et toi, comment vas-tu ?”. L’écriture dégagée de tout pathos crée une émotion qui par le retour du passé porte vers l’avenir en un bouillonnement d’une culture.
Celle-ci passe d’une femme à une autre par effet de génération.
L’auteure nous plonge en une sorte de cartographie qui tente de repérer le centre, le noeud d’un histoire de et des femmes. Si bien que le roman — dans la sécheresse de son langage — crée une irradiation dont les ondes se diffusent et imprègnent un tel moment clé riche d’informations sensorielles.
En ce moment de fixation, la fiction se gonfle d’un mouvement qui ne semble jamais plus pouvoir s’arrêter comme si ce récit prenait le relais de la vie.
Se découvre un monde où se perdre, un monde qui fonce paradoxalement dans les abysses mais aussi vers un soulèvement que provoque la sobriété l’écriture. Elle génère l’impression polyphonique d’une berceuse où tout finit, où tout commence par celle qui devient entomologiste du destin des femmes.
jean-paul gavard-perret
Lise Gauvin, Et toi, comment vas-tu ?, Editions des femmes — Antoinette Fouque, Paris, 21 avril 2022, 160 p. — 14,00 €.
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