Les narrations décalées de Robert Varlez
Séquences propose une rétrospective majeure du travail de Robert Varlez. Travail expérimental dû à la conception radicale de l’approche du graphisme. Cette œuvre crée un lien autant entre le desssin “pur”, la B.D. et le cinéma (en noir et blanc) qu’entre une forme de concept art et de minimalisme. Une telle recherche formelle est poussée à l’extrême et ce, non sans humour. Elle est marquée par l’expression de l’instabilité en intègrant les notions de changement et de disparition.
Par un langage aux formes très spécifiques et immédiatement reconnaissables, le dessin possède une puissance aussi intime que fragile dans lequel tout l’humain profondément humain est soumis au régime de l’intangible et du provisoire. Se dégageant d’un simple effet de réel par une procédure de déstabilisation, l’œuvre déroute tant elle éloigne des perceptions qu’on prend pour immuables.
Robert Varlez inscrit une perversion du fonctionnement du plan et de la séquence. Le premier suggère la disparition en cours de ses éléments et crée une fausse bonne vision. L’image n’est plus une vignette solide et fixe. Et en ce sens, le créateur belge annonçait dès les années 70 un art qui prend de plus en plus d’importance aujourd’hui. L’artiste ne se voulait pas tel un ultime créateur de formes même si ses œuvres, au coeur de leur fragilité, conservent une puissance inégalée. Il trouve toujours les interstices pour des métamorphoses en actes afin d’entrer en symbiose avec la lumière comme avec l’ombre la plus profonde.
A travers les formes conçues pour les souligner, celles-ci jouent à cache-cache non en un pur rapport formel mais de sens. Objets et personnages sont rattrapés par l’ombre comme ils sont trempés de lumière. Il convient d’accepter cette pluie nourricière puisqu’elle est substance et nudité. Mais aussi mouvement au sein même de la fixité.
jean-paul gavard-perret
Robert Varlez, Séquences, Editions The Hoochie Coochie, Belgique, 2013, non paginé, 15,00 €.