Le romancier franchit les Pyrénées et installe son intrigue en Espagne, entre Madrid et Salamanque. Il propose, pour l’occasion, une nouvelle héroïne, Lucia Guerrero dont le prénom sert de titre au roman.
Elle est lieutenante à l’UCO, l’Unité Centrale Opérationnelle, l’élite des services de la police judiciaire de la Guardia Civil.
C’est sous un déluge de pluie que Lucia se rend au nord-ouest de Madrid, pour un homicide. Et pas n’importe lequel car l’homme collé sur une croix d’un calvaire est le sergent Sergio Moreira, son équipier. Sur place, les policiers ont trouvé Gabriel Schwartz avec des vêtements tachées de sang, ses empreintes partout. Mais, il assure n’avoir rien fait. Il souffre d’un trouble dissociatif de l’identité. En cellule, il meurt en épelant, face à la caméra, le prénom de Lucia.
À l’université de Salamanque, Salomón Borges, un professeur en criminologie, avec un groupe restreint d’étudiants, a mis au point une Intelligence Artificielle capable de retrouver des liens entre des crimes. Et Salomón exulte car le logiciel a fait le lien entre trois assassinats au même mode opératoire, étalés sur une durée de trente ans. Aussi, quand il lit dans la presse le récit du meurtre de Sergio, il contacte Lucia.
Ils vont faire équipe pour traquer ce tueur en série qui sème la terreur. Mais, ils vont de surprises en surprises, et pas vraiment des bonnes…
Sur les pas de sa nouvelle enquêtrice, une jeune femme au caractère trempé, quelque peu rebelle voire insolente mais coriace, Bernard Minier invite ses lecteurs à entrer dans une intrigue aux multiples ramifications. Il introduit nombre de données issues de l’actualité, de l’Histoire ancienne, explicite des pathologies appuyées sur des exemples authentiques.
Il se sert des Métamorphoses d’Ovide, jouant habilement du contexte de leur écriture et de leur contenu.
Pour développer son récit, il s’est rendu sur place et peint un décor réaliste, jusque dans la description du climat. Il ne fait pas chaud, le soleil est rare. On est loin de l’Espagne vantée par les guides touristiques, loin des plages, de la mer aussi bleue que le ciel.
Des éléments de la Renaissance trouvent naturellement leur place au cœur de son intrigue avec des références à des tableaux de cette période.
Peu avare de rebondissements, l’auteur n’hésite pas mettre en situations fort périlleuses ses personnages principaux, faire mourir des protagonistes importants. Autour du couple formé par la policière et l’universitaire, le romancier anime une belle galerie d’intervenants. Il propose un profil très fouillé de son héroïne, mettent en lumière les étapes importantes de son existence.
Minier introduit également nombre de remarques très pertinentes quand, par exemple, il mesure le gouffre de rémunération entre les membres d’une unité d’assaut, qui risquent leur vie, et le “pognon de dingue” perçu par des footeux du Real Madrid.
Chaque étape, le roman se compose de cinq parties, est parfaitement structurée, construite avec un soin méticuleux, un souci du détail. Ainsi, le logiciel mis au point porte un nom qui est tout sauf innocent.
Thriller plus que roman noir, ce nouveau livre de Bernard Minier se dévore avec avidité tant le suspense est entretenu, la tension croissante jusqu’à un dénouement bien inattendu.
serge perraud
Bernard Minier, Lucia, XO Éditions, coll. “Thriller”, mars 2022, 484 p. — 22,90 €.