Chrystèle Lerisse, Du côté de chez Sam

Qu’est-ce qu’un objet ?

Chrys­tèle Lerisse explore par ses pho­to­gra­phies la limite de la sub­stance visible des choses. Tout est là mais tout peut dis­pa­raître. Ici, les images dia­loguent avec le texte de Jérôme Felin, his­to­rien de l’art, com­mis­saire d’exposition, auteur et tra­duc­teur.
Auteur de Chrys­tèle Lerisse, Trans­cen­der l’absence,  il conti­nue de scru­ter l’œuvre de l’artiste photographe.

Les deux créa­teurs répondent ici à la ques­tion “Qu’est-ce qu’un objet ?”. Il n’est plus conçu ici comme syno­nyme d’unité de matière, faci­le­ment iden­ti­fié comme appar­te­nant au monde “concret”. Il devient et sur un mode quasi abs­trait une visée. Bref, il n’existe pas en lui-même.
Et la pho­to­graphe qui fixe un ins­tant de la matière mutique et chan­geante ne le sait que trop bien. Elle se défie d’elle-même et d’une vision cir­cons­crite dans une moda­lité de prise clas­sique et réa­liste pour lais­ser la matière consti­tuer la vision.

C’est pour­quoi dans Du côté de chez Sam l’objet est mini­mal. Et ce, dans une pro­blé­ma­tique dont Proust avait eu l’intuition lorsqu’il écri­vait dans Du coté de chez Swann : “Quand je voyais un objet exté­rieur, la conscience que je le voyais res­tait entre moi et lui, le bor­dait d’un mince liseré spi­ri­tuel qui m’empêchait de jamais tou­cher direc­te­ment sa matière ; elle se volatilisait”.

L’objet est en quelque sorte déter­ri­to­ria­lisé et l’épaisseur pré­ten­due appa­rente du réel est sous­traite à la repré­sen­ta­tion et au simple jeu de miroirs. En sur­git une musique d’un infra­monde. Et si Chrys­tèle Lerisse n’avait pas été artiste plas­ti­cienne, elle aurait sans doute créé de la musique, qui est  ” le plus abs­trait des arts” selon Scho­pen­hauer.
Pour la créa­trice, le réel comme l’image appa­raissent comme des voiles qu’il faut déchi­rer afin d’atteindre les choses (ou le néant) qui se trouvent derrière.

jean-paul gavard-perret

Chrys­tèle Lerisse, Du côté de chez Sam, Texte de Jérôme Felin, bilingue français/anglais, Artzo, Saint Gilles Les Forêts, mars 2022, 48 p. — 40,00 €.

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

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