Le coeur d’un homme — entretien avec Giuliano Ladolfi (Au milieu du gué — Attestato)

Utopiste à sa manière, Giu­liano Ladolfi a appris à concré­ti­ser ses rêves. Une ambi­tion posi­tive et légi­time lui per­met de faire avan­cer les choses et le monde. Poreux à ce qui s’y passe, il lutte pour sa sur­vie au moment où bien des doutes se lèvent.
Atten­tif aux autres, il témoigne d’une empa­thie en actes pour lut­ter contre le mal dont trop sou­vent les pou­voirs s’éprennent sans souci de celles et ceux qui res­tent sur le bord de la route. Sa spi­ri­tua­lité et sa foi lui servent de réfé­rents afin de pour­suivre son com­bat pour l’existence et la dignité des êtres humains.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le matin, seule l’alarme me fait lever. Même si j’ai un cer­tain âge et même si je dors plus de 8 heures par nuit, sans la son­ne­rie, je ne me lève pas et… je me lève difficilement.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves d’enfant se sont tous réa­li­sés, en effet la vie m’a donné plus que je ne pen­sais. Je vou­lais deve­nir pro­fes­seur et je suis devenu pro­fes­seur, en effet je suis devenu aussi direc­teur d’école ; J’ai ensei­gné à l’université, écrit des livres et fondé plu­sieurs jour­naux, maga­zines et une mai­son d’édition qui porte mon nom. Je suis heu­reu­se­ment marié et j’ai eu la chance que ma mère ait atteint l’âge de 97 ans.

A quoi avez-vous renoncé ?
A vrai dire, je n’ai renoncé à aucun de mes rêves d’enfant. Mes parents m’ont appris à être très concret dans la pla­ni­fi­ca­tion de la vie.

D’où venez-vous ?
J’ai passé les dix pre­mières années de ma vie dans un petit pays du nord du Pié­mont, Gar­gallo, au sein d’une famille nom­breuse com­po­sée de parents et de six enfants. Seul mon père tra­vaillait, mais ma mère arri­vait à équi­li­brer le bud­get très soi­gneu­se­ment. Le fait de vivre dans une petite com­mu­nauté, où tout le monde se connais­sait, m’a per­mis de me sen­tir par­tie pre­nante d’un monde natu­rel dans lequel je suis immé­dia­te­ment entré.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
En héri­tage, j’ai reçu un sens du concret dans la ges­tion des pro­blèmes, la confiance en mes capa­ci­tés, l’économie dans la ges­tion des affaires, une reli­gio­sité pro­fonde, un amour pour tous les êtres vivants et une com­pas­sion pour la souf­france et les dif­fi­cul­tés des autres.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Quand il fait beau, j’aime prendre un bain de soleil après le déjeu­ner, car la cha­leur me donne de l’énergie et de la joie. Le froid, par contre, me déprime.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
Ques­tion dif­fi­cile… Per­son­nel­le­ment, j’aime une écri­ture cen­trée sur les grands pro­blèmes humains, mais ce qui me dis­tingue des autres écri­vains ou bien ce qui dis­tingue chaque écri­vain des autres, c’est la manière dont cha­cun habite cette pla­nète à un moment his­to­rique pré­cis. Et la ques­tion que je ne cesse de me poser et à laquelle je ne trouve pas de réponse concerne la pré­sence du mal et de la dou­leur dans le monde.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La pre­mière image qui me fas­cine est celle des enfants ou bien des nouveau-nés : ils sont l’espoir de l’humanité, la preuve que Dieu ne se lasse pas de nous et qu’Il conti­nue de nous aimer

Et votre pre­mière lec­ture ?
Ma pre­mière lec­ture concer­nait les livres d’école de mes frères aînés. J’en ai lu quelques-uns avant même d’aller à l’école pri­maire. Le pre­mier roman lu s’intitule “Cuore” d’Edmondo de Ami­cis, qui m’a été offert par une tante.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Enfant, j’ai appris à jouer du piano et de l’orgue, j’aime donc beau­coup la musique. Il y a deux genres que j’écoute le plus : la musique baroque et les chan­sons ita­liennes. J’aime aussi les pièces poly­pho­niques d’une manière extra­or­di­naire au point que j’en ai moi aussi com­posé pour une cho­rale que je diri­geais dans ma jeunesse.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’adore relire “L’Art de vivre” de Gandhi et je le relis sur­tout quand je me retrouve face aux dif­fi­cul­tés que la vie pré­sente. Ce livre me donne la séré­nité et la force de regar­der l’avenir avec dignité.

Quel film vous fait pleu­rer ?
L’émotion me prend sou­vent aussi bien quand je lis que quand je vois des scènes de souf­france à la télé­vi­sion et quand je regarde des films qui traitent des thèmes de la dou­leur et de la mort. Il y en a tel­le­ment que je ne peux pas en nom­mer un en particulier.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Dans le miroir, je vois une per­sonne qui a beau­coup reçu de la vie, même si le prix n’était pas léger. Il n’y a pas de grandes réa­li­sa­tions qui n’aient demandé enga­ge­ment, souf­france et travail.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Ma timi­dité innée me fait tou­jours hési­ter quand je veux écrire à une per­sonne que je ne connais pas direc­te­ment. Si je regarde les années pas­sées, je dirais que je n’ai jamais osé écrire à l’un de mes étu­diants qui est devenu jour­na­liste pour le plus impor­tant quo­ti­dien italien.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Parmi les lieux qui ont mar­qué ma vie, je pense que le plus impor­tant est le petit pays, où j’ai vécu mon enfance. Le rap­port avec les gens, la langue, le pay­sage, l’environnement ont forgé mon carac­tère et ma façon de voir et d’appréhender l’existence.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Compte tenu de ma for­ma­tion clas­sique, je me sens très proche des poètes lyriques et tra­giques grecs, de Vir­gile et sur­tout de Dante. Parmi les modernes je pré­fère Leo­pardi, Nova­lis, Shelly, Rilke, Eliot, Parmi les nar­ra­teurs j’aime beau­coup Dos­toïevski, Tché­khov, Ibsen, Bal­zac, Heming­way, Stein­beck, T. Mann…

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Pour mon anni­ver­saire, j’aimerais rece­voir une belle nou­velle : il n’y a plus de guerres sur la Terre…

Que défendez-vous ?
J’aime par­ti­cu­liè­re­ment la cohé­rence entre les idées et les actions d’une per­sonne, l’honnêteté dans les rela­tions sociales et l’attention aux pro­blèmes des autres.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Il me semble la renais­sance du mes­sage évan­gé­lique qui nous incite à aimer nos enne­mis et à faire du bien à ceux qui nous haïssent. C’est l’enseignement révo­lu­tion­naire qui peut pro­fon­dé­ment trans­for­mer l’humanité.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
W. Allen pos­sède une intel­li­gence très aiguë pour expo­ser l’un des défauts de notre époque : l’incapacité d’écouter. Cela peut être docu­menté non seule­ment dans les rela­tions fami­liales, mais aussi au tra­vail, dans la société et sur­tout dans les médias. Le mono­logue auto­ré­fé­ren­tiel s’est sub­sti­tué au dia­logue, comme on le voit dans de nom­breux talk-shows télé­vi­sés et comme on le voit en politique.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Avez-vous trouvé le sens de l’existence ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 12 avril 2022.

1 Comment

Filed under Echos d'Italie / Echi dell'Italia, Entretiens, Poésie

One Response to Le coeur d’un homme — entretien avec Giuliano Ladolfi (Au milieu du gué — Attestato)

  1. Anne Marie Carreira

    Entre­tien top !
    Voilà un homme qui se recon­naît com­blé, sen­sible à l’humanité et qui garde la foi dans son cœur et l’espoir de voir un jour la paix dans ce monde

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