Quand la fantaisie règne en maîtresse
Saint-Tin est le fils en déshérence du célèbre reporter du Petit Vingtième. Hergé, son biographe, a toujours évité de parler des éventuelles idylles du héros. C’est pour cela que Saint-Tin traque dans les albums des indices pouvant prouver la filiation. Ainsi, dans Tintin en Amérique, il cherche si son père a pu rencontrer une infirmière entre les pages 4 et 5, s’il a séduit une soubrette à l’hôtel Osborne de Chicago…
Partout, le jeune reporter est accompagné par Lou, un perroquet guacamolthèque, un oiseau sacré, amoureux des vers, rimes et lettres, déclamant des tirades empruntées à Hugo, Lamartine, Heredia, Mallarmé, Nerval, Villon…
Aiglefin, d’origine russe, est un éclusier retraité qui possède un château en Sologne. Il a toujours été porté sur la boisson et participe aux aventures où son jeune ami est entraîné.
C’est l’inquiétude au Bureau du Syndicat de la crème du crime à Chicago. Max Scarpone a mis au point l’opération Boomerang. Ayant des ambitions politiques, elle lui permettra d’apparaître comme le sauveur du pays avec un remède miraculeux après avoir abêti la population avec le Padjohjoh, le poison-qui-rend-bête. Or, il a appris l’arrivée imminente de Saint-Tin dont il connaît les exploits contre le crime.
Quelques jours plus tôt, au Moulin Tsar, le capitaine Aiglefin, en compagnie de Saint-Tin surveille l’organisation de ses bagages en vue de son voyage en Amérique. Le jeune reporter s’y rend également pour recevoir son prix Bullitzer qui récompense le meilleur article d’œnologie de l’année. Le capitaine, un ex-éclusier, abstinent depuis son retour de la Lune, doit donner une série de conférences. Celles-ci sont organisées par Perpetua Danleuf, la directrice de la ligue antialcoolique la plus virulente et la plus crainte d’Europe Tempérance et stop errance.
Or, s’invite au voyage, le professeur Margarine, le brillant cryptozoologue invité par son homologue américain, le professeur Lester Miney.
Mais Max Scarpone organise la riposte et dès qu’ils auront posé le pied sur le sol américain…
Gordon Zola propose, avec ce trio, une belle galerie de personnages déjantés. Il donne des récits drôles, aux propos enlevés. On rit, on sourit, on admire la capacité du romancier à créer, ainsi, un maelstrom de jeux de mots, de calembours, d’expressions dérivées de leur sens original, de personnages aussi truculents les uns que les autres, de situations ubuesques qui jalonnent une intrigue de bonne tenue.
Il est prolixe en à-peu-près, en sentences, en boutades, en plaisanteries, en railleries, en facéties, en contrepèteries. Mais le tout est fondé sur une culture solide, un art de la synthèse et une connaissance approfondie des sujets qu’il aborde.
Un vrai plaisir de lecture !
serge perraud
Gordon Zola, Les aventures de Saint-Tin et de son ami Lou – Saint-Tin et l’Amer Hic, Le Léopard Démasqué, octobre 2021, 160 p. – 12,00 €.