Dans ce livre, les dessins organiques et le verbe se font à nouveau face pour, écrit Sénéca, “ne rien laisser à la mort me disait Georges Perros”. Tout en ajoutant aussitôt “Mais le squelette / lui appartient / dès le premier jour.“
Dès lors, le regard se perd dans les compositions “bribes de vivants, gorgés de fureur, envieux de sérénité” mais où, à travers le verbe, l’esprit s’élève par quelques mots lâchés comme des pistes vers une vérité.
Certes, dessins et textes n’élucident pas leur mystère réciproque mais offrent ensemble, de concert, un temps de plus vers le songe là où, par les dessins, la chair jaillit en masses de fibres, de bulbes et de racines osseuses.
Les mots, quant à eux, optent pour sinon une légèreté du moins un éclair de vie.
Tout est là pour solliciter l’imaginaire là où, face à chaque dessin, à chaque page quelques lignes veulent ranimer l’esprit et en faire l’essentiel.
A côté des dessins, les mots proposent donc leurs propres concrétions et leurs sensations affectives. Ils surgissent en un bouillonnement sourd.
Le noir et le gris sont parcourus de taches, de stries et d’abîmes. Tout reste néanmoins en état d’énigmes. Des ombres semblent marcher les unes sur les autres en montant au besoin sur leur cadavre.
Perdurent comme toujours chez Sénéca des entrelacs de ventres hypothétiques, des espaces mentaux soumis on ne sait à quelle obésité ou torture.
La chair — quoiqu’annihilée en partie par le noir et le gris — frémit d’un instinct vital.
jean-paul gavard-perret
Roland Sénéca, Que les vents m’emportent, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2022, 88 p.