Faisant sienne la formule de Michel Camus : “A l’infini, l’incendie” par la construction de son livre, ses mots , son regard, sa sagesse souffle sur les braises du magma des corps afin de leur donner consistance et — si l’on peut dire — rafraîchir la mémoire.
Les kamikazes d’Okinawa, les naturistes d’Orplid, les migrants comme les ermites du Dodécanèse deviennent des documents humains tirés de la Guerre du Pacifique et l’idéologie militaire, du retour à la nature, dont l’utopie a suscité bien des opportunismes et des problèmes migratoires qui vont devenir la marque du troisième millénaire. Chaque poème est évoqué par une “voix soeur, transportée par le rêve jusqu’aux évènements et jusqu’à nous, en collectant des éclats de mots et d’images”.
Muriel Pic ose avancer dans l’inconnu mais elle n’est pas pour autant somnambule ou amnésique et n’oublie jamais ce qui manque au corps dont la vision est toujours altérée ou ravagée par les idéologies. Il est encore et restera séparé de lui même.
Mais cette approche parce quelle n’est pas un simple labeur documentaire permet de saisir une autre vie et de tenter d’approcher le secret de tels “doubles”.
Il existe dans ce livre les élégies qui portent sur l’atmosphérique et l’élémentaire comme sur le culturel et l’idéologie des sociétés humaines. Le seul espoir serait qu’à la place du pouvoir masculin une grâce féminine engendre des combinaisons secrètes.
Incidemment, Muriel Pic en émet l’hypothèse. C’est pourquoi sa poésie aussi concrète que spéculative fait bouger l’Histoire.
jean-paul gavard-perret
Muriel Pic, L’argument du rêve, Héros Limite, Genève, mars 2022 — 20,00 €.