C’est le jeudi 19 juillet 2007 que le drame a eu lieu. Lizzie et Alice sont les meilleures amies du monde et, en ce premier jour des vacances, elles partent pour leur promenade préférée jusqu’à la ligne de chemin de fer. Mais une dispute éclate. Sous le coup de l’émotion, Lizzie, sujette à des crises d’épilepsie, perd conscience.
Lorsqu’elle retrouve ses esprits, un train est arrêté et le corps d’Alice est déchiqueté. Lizzie ne se souvient de rien, mais elle est soupçonnée par Catherine, la sœur aînée d’Alice, par ses camarades de classe, de l’avoir tuée.
Douze ans plus tard, Lizzie et Ross, son fiancé, regardent la télévision quand le présentateur annonce l’accident mortel d’une petite fille sur un passage à niveau. Les souvenirs surgissent. Ross est médecin et Lizzie vit avec lui dans sa maison de Londres. Sa maladie ne lui a pas permis de faire des études correctes et elle est sans emploi.
La vie lui sourit mais un mécanisme implacable va remettre en cause cette situation. Ce sont des appels téléphoniques où le correspondant reste muet. Elle retrouve un petit train sur le muret de la maison. Et peu à peu, elle est rattrapée par ce passé, par des menaces, des découvertes troublantes. Qui peut vouloir, après tant d’années, venger la mort d’Alice ? Et Lizzie est-elle aussi innocente qu’elle le prétend ?
Le récit commence avec les circonstances du drame, puis se projette au moment où l’héroïne s’installe dans une vie confortable. Elle a pour fiancé, un homme charmant, attentif. Elle a stabilisé ses crises. Ils font vie commune et envisagent le mariage. Mais Lizzie est incommodée par les faits qui font ressurgir ces souvenirs difficiles, des circonstances troublantes.
Lors de ces appels muets, elle entend le grondement d’un train. Ses parents lui ramènent un carton de ses affaires quand elle était une adolescente. Elle retrouve des photos qui interpellent. Et l’attitude de Ross évolue. Il rentre tard, très tard affirmant, face à son inquiétude, qu’il l’avait prévenue. Elle doute, mais ne serait-ce pas des séquelles de sa maladie, quand elle a de courts moments d’absence ?
La romancière introduit, ainsi, de plus en plus d’éléments intrigants, voire déstabilisants. Elle fait monter la tension avec, par exemple, des personnages qui semblent tenir des rôles différents de ceux qu’ils devraient avoir. Et, c’est une rencontre qui va être déterminante.
Avec une intrigue subtile où rien ne se laisse deviner, Lesley Kara entraîne son lecteur dans des secrets familiaux, met en scène les affres du deuil, la vengeance, les rapports dissimulés, les amours ténébreuses…
Usant de nombreux flashbacks, elle alterne les situations contemporaines et les événements du passé, ce qui s’est déroulé après la mort d’Alice, ce drame dont elle ne livre les raisons que dans les ultimes lignes.
Avec une écriture fluide, un sens du rythme, des descriptions attrayantes, des dialogues enlevés, Lesley Kara conçoit une magnifique intrigue, loin de ces thrillers riches en hémoglobine, mais tout aussi passionnante.
serge perraud
Lesley Kara, Le Défi (The Dare), traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Clara Gourgon, Les Escales, coll. “Noires”, janvier 2022, 384 p. – 22,00 €.