L’Amour, Oui ! Mais pour qui ?
Serge Le tendre affectionne les héros de la mythologie depuis l’enfance. Aussi, il prend un grand plaisir à revisiter l’histoire de certains personnages comme Tirésias, Héra. Il porte cette fois son regard sur Pygmalion, un humain, tout entier tourné vers sa passion, la sculpture.
Il reste indifférent aux autres sentiments et n’éprouve pas d’élan pour les plaisirs de la chair. Son père a répudié sa mère lorsqu’il était enfant et les femmes, mêmes très proches, ne l’intéressent pas. Il veut atteindre le sublime dans la sculpture.
Mais les déesses et les dieux aiment à se mêler des affaires humaines. Sur Chypre, c’est Aphrodite qui règne. N’est-pas l’île qui lui est dédiée ? Et la déesse de l’amour va mettre son grain de sel, accéder à des demandes.
À Chypre, alors que Bolos et Anthéos veulent régler le mariage d’Agapé et de Pygmalion, ce dernier ne pense qu’à la sculpture. Il est l’élève de Copias qui voit en lui bien du talent.
Malgré l’interdiction des Propétides du temple d’Éris, Anthéos emmène son fils en bateau pour lui parler mariage. Ce faisant, il a défié Poséidon qui envoie un dragon des mers. L’embarcation coule et Anthéos se noie.
Pygmalion veut sculpter et demande à Agapé, qui n’a d’yeux que pour lui, de poser. Mais il n’arrive à rien de satisfaisant à ses yeux et détruit tout. Il voit, chez son maître, une corne de licorne des mers.
C’est à l’issue d’un songe qu’il décide de sculpter l’ivoire et en tire une statue, une image parfaite de la femme qu’il nomme Galatée. Copias est furieux mais il veut la récupérer car elle lui donnera, tant elle est belle, accès à la gloire. Il se tue en fuyant la colère de Pygmalion. Et Agapé…
Autour du sculpteur, le scénariste concocte une belle galerie d’individus plus ou moins recommandables. Il développe des rapports incertains, des situations difficiles où la part de l’humanité n’est pas très reluisante. Cependant, il donne une belle place aux femmes avec des sentiments de haute tenue.
Frédéric Peynet, qui s’est fait remarquer avec, par exemple, Les Vestiges de l’aube ou Le Projet Bleiberg (Dargaud), assure un réaliste et une couleur tout aussi réaliste. Il donne une belle expressivité à ses différents protagonistes et les attitudes sont bien rendues. Si la mise en page reste assez classique avec en majorité un découpage en huit/dix vignettes, elle permet une lecture très agréable de l’histoire.
Dans une courte introduction, Serge Le tendre explicite son approche de ce type de récit, l’humanité qu’il souhaite mettre en avant, et surtout prévoit : « …d’autres récits dans lesquels les mythes anciens et modernes s’affronteront… ».
À suivre avec intérêt : la parution annoncée d’Astérios le Minotaure.
serge perraud
Serge Le Tendre (scénario) & Frédéric Peynet (dessin et couleur), Pygmalion et la vierge d’ivoire, Dargaud, mars 2022, 80 p. – 16,50 €.