Sholem-Aleikhem, Motl fils du chantre

Un gamin irrésistible

En Ukraine, au début du XXe siècle, la famille du petit Motl (5 ans) mène une vie de plus en plus pénible, le chantre étant griè­ve­ment malade, et sa femme, obli­gée de vendre ce qui leur reste de monnayable.

Ce n’est pas pour autant que le nar­ra­teur per­drait sa bonne humeur cou­tu­mière : non, il accorde plus d’attention au veau des voi­sins, dont il raf­fole, qu’aux mal­heurs, étant d’un natu­rel opti­miste et jouis­sant d’un sens de l’humour à toute épreuve.
Resté orphe­lin, il ne verra guère que des avan­tages à sa situa­tion, et lorsqu’il fau­dra par­tir vers l’Amérique faute de meilleur choix, il va de soi que ce voyage enchan­tera l’enfant…

Le charme irré­sis­tible de ce célèbre roman de Sholem-Aleikhem pro­vient du natu­rel avec lequel le point de vue de l’enfant est rendu : on y croit vrai­ment, l’auteur ayant la capa­cité de faire entendre en quelques mots ce que cette optique a de par­ti­cu­lier.
S’y ajoute la drô­le­rie de cer­taines mésa­ven­tures du frère aîné, décidé à faire for­tune grâce aux recettes d’un livre censé apprendre à tout le monde à bien gagner sa vie, et qui se fait aider par un Motl enthou­siaste, inca­pable de com­prendre que l’entreprise est vouée à l’échec d’emblée – cepen­dant, Elyè appa­raît sou­vent comme plus bête que son petit frère, ce qui rend le récit d’autant plus comique.

Mais le meilleur du roman, c’est la seconde moi­tié qui cor­res­pond au voyage. Qu’il s’agisse du pas­sage de la fron­tière ou du séjour (plus ou moins long) à Lem­berg, à Cra­co­vie, à Vienne, puis à Londres, l’auteur excelle à faire res­sor­tir le (tragi-)comique des impres­sions de l’enfant et des adultes.
Un petit échan­tillon de l’apprentissage de l’anglais par Motl, à pro­pos de pois­son : “Chez nous on dit « frit », ici il faut dire « frayé ». Pour­quoi, je ne sais pas. Peut-être que les pois­sons sont effrayés quand on les fait frire. Ou bien parce que le mot « frit », les gens l’emploient autre­ment, ils disent qu’ici c’est un pays frit.“ (p. 276).

Saluons la qua­lité de la tra­duc­tion, lim­pide et habile à trans­po­ser les jeux de mots.
A lire et à offrir, y com­pris aux enfants (à par­tir de l’âge de neuf ans).

agathe de lastyns

Sholem-Aleikhem, Motl fils du chantre, tra­duit du yid­dish par Nadia Dehan-Rotschild et Eve­lyne Grum­berg, L’Antilope, mars 2022, 288 p. – 22,00 €.

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