La fiction avance à dé couvert
Tristan Felix tranche les mots mais jamais pour les mettre kaput. Elle en découpe le lard dans l’art de ses prises à piège. La langue s’étrange dans des filatures de roues-baies.
Pour preuve, ces vingt-cinq nouvelles en proses poétiques segmentées en trois fagots par la bûcheronne des maux : “Erre-Lande”, “Bêtes de scène” et “Fin de la terre”.
Il y a là des fins de parties fines où le bouc au besoin est assis à la place du maure, il fait partie des ces animaux malades de petites pestes qui les font bouquiner à livre ouvert une pensée sauvage et mutine.
Elle flirte avec l’effroi et lutine des abîmes du matérialisme ambiant.
L’indomptable ingérable nous fait traverser l’ire lande et séance à peine tenante dans le carnaval des miasmes et des folies d’animaux si humains, trop humains qu’ils nous filent la pétoche.
Et ce, avant de proposer des sortes de seins thèses de paysages et portraits en repons.
Nous voici reportés dans une suite au cycle d’Ovaine afin que nous y pédalions dans la choucroute. L’âminal y déploie ses stupres et ses fourmis-cations.
Si ce n’est pas la mère à boire, cela donne l’ivresse jusqu’au bouc et son vile brequin qui lui servait jadis à faire vibrer le saint frusquin de celles dont il était plus le clown à fil que le mari honnête.
Tristan Félix crée une nouvelle fois des fictions amarrées hautes. Et les nouvelles sont comme des glandes ma mère projetées au plus haut par une telle reine.
Chacun d’imaginer leurs perspectives qui font de tels alibis une incarnation moins molle qu’en granit.
Ses animaux ne sont plus de ces zouaves condamnés à faire les cons sous le pont de l’Alma là où roucoule celle qui, via ses fictions, garde l’art de se mettre en Seine jusque près de la mer d’Irlande. Lectrices et lecteurs se heurtent à de telles turbulences qui rappellent au bouc que suivre certaines femmes mène nulle part même si elles lui en réservent la meilleure.
Nous voici emportés dans un bastringue d’âge dont le potentiel est toujours ras d’yeux et de vagues. L’auteure, par son art comique, fait éprouver des délices onctueux dont la pudeur est exclue et pour des opérations qu’ignore le Saint-Esprit.
Dans un emboitement de sornettes, jamais les poulettes ne claquent des dents face au ver de leur Adam. Le jus de telle nouvelle est astringent et il n’a pas besoin d’être dégusté une paille entre leurs lèvres. La bête est là aux anges et au besoin lâche sa verveine via la bardelette à qui se laisse gravir l’échine en se faisant au besoin tirer les cheveux. Ici le bouc, estomac dans l’étalon, se moque que les femmes menthes aient menti sur leur âge et que soient nés depuis bien longtemps celles et ceux qui les ont vu naître.
Ici, bien plus que chez Mallarmé, la fiction avance à dé couvert. Ses coups abolissent un certain hasard. Et c’est pour les maraudeurs de la littérature une aubaine. Tristan Félix reste l’inspirée inquiète, l’imprévisible qui avance en trompe l’oeil face aux éloeufants que sont ses lecteurs.
Trompe en l’air, ils profitent des farces de la providentielle et de ses tours et retours de manivelle.
Les ténébreux et les inconsolés ne s’en lassent jamais. L’auteure ne les remise pas dans une voiture balais.
Il y a là le “prépuscule” de dieux qui, avant elle, croupissaient dans une flaque de lait.
jean-paul gavard-perret
Tristan Félix, Les hauts du bouc & autres nouvelles, Editions Aethalides, coll. Freaks, 2022, 128 p.