Il fut un temps où Ariel la Petite Sirène tint le rôle qu’a pris aujourd’hui Elsa la Reine des Neiges. Mais la première était plus insidieusement érotique et c’est ce qui entraina Sarah Barthe sur ses chemins de traverse. Elle est devenue Blanche Neige qui a lu non seulement Alice au pays des Merveilles mais l’oeuvre complète de Cathy Acker.
D’où le mélange dans son travail de violence et le douceur. Le Grand Méchant Loup doit se tenir sur ses gardes car l’artiste en bûcheronne lui prépare un coup de derrière les fagots avant — qui sait ? — d’attendre le Prince Charmant. Mais pour l’heure elle fait une pause.
Non sans poursuivre un parcours original et fascinant en jouant sur les attentes des voyeurs, là où l’action de créer reste la soeur du rêve d’enfance.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?
Je n’aime ni me lever le matin, ni me coucher le soir. J’aime vivre et créer la nuit, isolée de tous, dans le plus grand secret.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont en train d’éclore tout doucement, je crois.
A quoi avez-vous renoncé ?
Au pardon, car il y a des choses qui ne sont pas pardonnables, et à la vengeance, car nous savons tous que la vie se charge toujours de remettre chacun à sa place, d’une manière ou d’une autre…
D’où venez-vous ?
On ne m’attendait pas et je suis arrivée un peu par surprise, c’était assez mouvementé, avec beaucoup de déplacements dans plusieurs lieux différents. Je n’arrive pas à savoir de quel endroit je suis vraiment ni où se trouve ma place plus exactement
Un petit plaisir-quotidien ou non ?
Découper des magazines, coller les images par thème et tout archiver dans des petits classeurs colorés, je fais ça depuis que j’ai 12 ans, ça me calme.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Comme dans toutes les familles, il y a des rapprochements, des incompréhensions, des disputes, des réconciliations, et des visions différentes qui s’accordent ou pas… Mais j’aime cette idée que chacun peut y trouver sa place, dans cette famille-là…
Comment définiriez-vous votre approche de l’érotisme ?
C’est un mélange de douceur et de violence, comme si l’une ne pouvait pas aller sans l’autre.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La chevelure rouge et les mouvements du bassin d’Ariel la petite sirène au cinéma quand j’avais 4 ans.
Et votre première lecture ?
Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. C’était une édition abrégée pour les enfants, mais j’ai été marquée par les illustrations de John Tenniel.
Quelles musiques écoutez-vous ?
France Gall et Nina Hagen.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
La vie enfantine de la tarentule noire, par la tarentule noire de Kathy Acker : « Je ne comprends rien d’autre sinon que je ferais plaisir à n’importe qui viendrait vers moi, à n’importe qui pourrait être la seule personne à me donner du plaisir. »
Quel film vous fait pleurer ?
Pleurer de rage : Festen de Thomas Vinterberg. Pleurer de douleur : Camille Claudel de Bruno Nuytten. Pleurer tout court : Talons aiguilles de Pedro Almodovar.
Quand vous vous regardez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Blanche-Neige.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’essaie d’écrire au Grand méchant Loup (le vrai) depuis des années, mais j’attends encore un peu car je ne me sens pas prête.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La maison de mes grands-parents, j’en fais encore des cauchemars.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Van Gogh, Camille Claudel, Egon Schiele, Edvard Munch, Henry Darger, Antonin Artaud, Sylvia Plath, Kathy Acker, que des gens un peu dérangés qui n’ont pas toujours très bien fini !
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des jumeaux, un garçon et une fille.
Que défendez-vous ?
Le courage, la tolérance, et l’ouverture d’esprit. J’ai du mal à trouver ces 3 valeurs réunies en un seul homme.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Mais tout à fait ! C’est bien pour ça que j’ai décidé de faire une pause, et d’essayer de me donner toute seule ce dont j’ai besoin. Je ne sais pas encore si je vais y arriver car je n’en veux pas non plus.
Que pensez-vous de celle de Woody Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question » ?
Qu’il n’est pas très prudent de dire oui trop rapidement, surtout avec Woody Allen.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
« Aimez-vous la pénétration anale ? » C’est une question que les hommes me posent assez souvent quand ils voient mon travail artistique, je suis donc assez étonnée que vous ne me la posiez pas.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 20 mars 2022.