Celle qui a renoncé au pardon et à la vengeance : entretien avec Sarah Barthe

Il fut un temps où Ariel la Petite Sirène tint le rôle qu’a pris aujourd’hui Elsa la Reine des Neiges. Mais la pre­mière était plus insi­dieu­se­ment éro­tique et c’est ce qui entraina Sarah Barthe sur ses che­mins de tra­verse. Elle est deve­nue Blanche Neige qui a lu non seule­ment Alice au pays des Mer­veilles mais l’oeuvre com­plète de Cathy Acker.
D’où le mélange dans son tra­vail de vio­lence et le dou­ceur. Le Grand Méchant Loup doit se tenir sur ses gardes car l’artiste en bûche­ronne lui pré­pare un coup de der­rière les fagots avant — qui sait ? — d’attendre le Prince Char­mant. Mais pour l’heure elle fait une pause.
Non sans pour­suivre un par­cours ori­gi­nal et fas­ci­nant en jouant sur les attentes des voyeurs, là où l’action de créer reste la soeur du rêve d’enfance.

https://www.sarahbarthe.com/

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?
Je n’aime ni me lever le matin, ni me cou­cher le soir. J’aime vivre et créer la nuit, iso­lée de tous, dans le plus grand secret.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont en train d’éclore tout dou­ce­ment, je crois.

A quoi avez-vous renoncé ?
Au par­don, car il y a des choses qui ne sont pas par­don­nables, et à la ven­geance, car nous savons tous que la vie se charge tou­jours de remettre cha­cun à sa place, d’une manière ou d’une autre…

D’où venez-vous ?
On ne m’attendait pas et je suis arri­vée un peu par sur­prise, c’était assez mou­ve­menté, avec beau­coup de dépla­ce­ments dans plu­sieurs lieux dif­fé­rents. Je n’arrive pas à savoir de quel endroit je suis vrai­ment ni où se trouve ma place plus exactement

Un petit plaisir-quotidien ou non ?
Décou­per des maga­zines, col­ler les images par thème et tout archi­ver dans des petits clas­seurs colo­rés, je fais ça depuis que j’ai 12 ans, ça me calme.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Comme dans toutes les familles, il y a des rap­pro­che­ments, des incom­pré­hen­sions, des dis­putes, des récon­ci­lia­tions, et des visions dif­fé­rentes qui s’accordent ou pas… Mais j’aime cette idée que cha­cun peut y trou­ver sa place, dans cette famille-là…

Com­ment définiriez-vous votre approche de l’érotisme ?
C’est un mélange de dou­ceur et de vio­lence, comme si l’une ne pou­vait pas aller sans l’autre.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La che­ve­lure rouge et les mou­ve­ments du bas­sin d’Ariel la petite sirène au cinéma quand j’avais 4 ans.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Alice au pays des mer­veilles de Lewis Car­roll. C’était une édi­tion abré­gée pour les enfants, mais j’ai été mar­quée par les illus­tra­tions de John Tenniel.

Quelles musiques écoutez-vous ?
France Gall et Nina Hagen.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
La vie enfan­tine de la taren­tule noire, par la taren­tule noire de Kathy Acker : « Je ne com­prends rien d’autre sinon que je ferais plai­sir à n’importe qui vien­drait vers moi, à n’importe qui pour­rait être la seule per­sonne à me don­ner du plaisir. »

Quel film vous fait pleu­rer ?
Pleu­rer de rage : Fes­ten de Tho­mas Vin­ter­berg. Pleu­rer de dou­leur : Camille Clau­del de Bruno Nuyt­ten. Pleu­rer tout court : Talons aiguilles de Pedro Almodovar.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Blanche-Neige.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’essaie d’écrire au Grand méchant Loup (le vrai) depuis des années, mais j’attends encore un peu car je ne me sens pas prête.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La mai­son de mes grands-parents, j’en fais encore des cauchemars.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Van Gogh, Camille Clau­del, Egon Schiele, Edvard Munch, Henry Dar­ger, Anto­nin Artaud, Syl­via Plath, Kathy Acker, que des gens un peu déran­gés qui n’ont pas tou­jours très bien fini !

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Des jumeaux, un gar­çon et une fille.

Que défendez-vous ?
Le cou­rage, la tolé­rance, et l’ouverture d’esprit. J’ai du mal à trou­ver ces 3 valeurs réunies en un seul homme.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Mais tout à fait ! C’est bien pour ça que j’ai décidé de faire une pause, et d’essayer de me don­ner toute seule ce dont j’ai besoin. Je ne sais pas encore si je vais y arri­ver car je n’en veux pas non plus.

Que pensez-vous de celle de Woody Allen : « La réponse est oui mais quelle était la ques­tion » ?
Qu’il n’est pas très pru­dent de dire oui trop rapi­de­ment, sur­tout avec Woody Allen.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
« Aimez-vous la péné­tra­tion anale ? » C’est une ques­tion que les hommes me posent assez sou­vent quand ils voient mon tra­vail artis­tique, je suis donc assez éton­née que vous ne me la posiez pas. ;)

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 20 mars 2022.

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