Pour Mathias Lair, la poésie a pour objet l’exploration de la difficulté à être.
Cet empêchement prend parfois des formes tragiques, parfois plus légères surtout au temps ou “On avait l’élan, la turgescence” qui permettait de penser que les petites morts sont plus conséquentes que l’attente de la grande.
Et ce, dans tout un jeu de voix que le graphisme situe entre “borborythme” et langue moulée en plus ou moins court bouillon au gré des flux et fluxions jusqu’à “se faire enfiler par les langues”.
Certes, au fil du temps va tout s’en va même les haines. Quant aux amours n’en parlons pas. Mais, comme son nom l’indique, de l’air il n’en manque pas.
Reste qu’il faut savoir en finir avec l’histoire depuis le mal parti du lien familial qui ne fut qu’un leurre susceptible d’entraîner l’homme fantôme en une obscurité que ses livres s’acharnèrent à refouler et avant de prendre la poudre d’escampette à travers le déplacement exotique.
Dans ces deux textes, le trou noir est enfin rebouché. Il reste çà et là encore des traces mais il est temps de finir en beauté. Le fils de l’air peut rentrer, défait du macabre même si celui-ci lance des appels.
Demeure pour un temps le champ libre pour faire et du poète et de l’existence autre chose qu’une veille qui ne soit pas qu’une sorte de sommeil.
Ces textes siphonnent le plus possible ce qui rendait impossible de posséder des pensées et ce qui empêchait de parler. Désormais, il ne sera plus question de la mère engluée dans son narcissisme hystérique.
La langue se libère de ses sophismes et de ses poncifs.
Bref, Mathias Lair se dégage par saccades du silence dans lequel il était rendu absent à lui-même.
Le brouhaha du “je” permet au discours de se poursuivre par prise directe mais aussi par alternances, en une sorte de contact direct avec la vie.
jean-paul gavard-perret
Mathias Lair, A la fin des fins suivi de Pourquoi pas / ne serai poète, Les parallèles croisées, Les Lieux Dits, Strasbourg, 2022, 70 p. — 12,00 €.