Venise et ses multiples visages…
Gasparo et Carlo Gozzi se fraient un chemin sur la Piazza en plein carnaval. Ils remarquent un curieux Cupidon. Il a l’allure d’un éphèbe et semble chercher quelqu’un. Il se fige quand il voit un gros homme vêtu d’une peau d’ours. Il prend alors une flèche, bande son arc. Le projectile atteint l’œil gauche de l’Ours. Il recommence pour l’œil droit et se volatilise sous les regards abasourdis des témoins. La victime est le chef de la Quarantia criminale.
Gasparo rejoint son ami, le comte Flavio Foscarini, et lui conte les événements dont il a été le témoin. L’affaire intrigue son interlocuteur qui l’entraîne dans la recherche d’informations sur la nature du tueur.
Le lendemain, deux pêcheurs, en rentrant d’une nuit de travail, trouvent étrange la statue symbolisant la Fortune qui surmonte la Douane. Une tête coupée est accrochée à la coiffe. Il s’agit de celle d’un des deux inquisiteurs noirs.
Alors que sonnent les douze coups de midi sur la Piazza, un cheval emballé surgit, trainant un corps disloqué. C’est celui d’un des provéditeurs, une sommité de la cité.
La peur s’installe alors que Falvio, Assin-Anna, son épouse, et Gasparo mènent une enquête qui s’annonce difficile et dangereuse tant le ou les tueurs sont habiles. Et les meurtres d’hommes influents continuent…
L’action se déroule en 1740 dans la Sérénissime. Certes, Venise a amorcé son déclin et ne règne plus sur une grande partie de la Méditerranée. Mais, elle a su garder un attrait et son carnaval, qui dure presque six mois, attire toujours les amateurs fortunés.
À cette époque, le cent-quatorzième doge, Alvise Pisani est habile à gérer les affaires courantes mais est un piètre politicien.
Si le couple de héros, Flavio et Assin-Anna sont des personnages de fiction, ils sont entourés d’authentiques écrivains, journalistes, dramaturges, dirigeants… Robert de Laroche décrit la ville et ses activités avec soin et précision, livrant nombre de détails sur les sites, les monuments, la gouvernance du Doge et les actes de la vie quotidienne.
Ainsi, il raconte la vie des uns et des autres, l’ascension de Floriano Francesconi, le fondateur du Caffé Florian sur la Piazza…
Le récit est analytique, documenté de belle manière. Ses apports sont attrayants et n’encombrent pas le déroulement de l’histoire, ne freine pas l’intérêt pour cette enquête aux multiples ramifications. Un glossaire explicite les termes italiens utilisés dans le cours du récit et une liste énumère les personnages réels qui peuplent le roman.
Avec cette première enquête de Flavio Foscarini, le romancier offre une lecture enrichissante au possible mais sans perdre de vue une intrigue retorse, rouée.
On ne peut que souhaiter, en rongeant son frein, pouvoir se régaler de nouvelles aventures de Flavio et Assin-Anna.
serge perraud
Robert de Laroche, La Vestale de Venise, Folio Policier n° 952, février 2022, 336 p. – 8,70 €.