Le carnet d’une descente en soi
Écrit au fil des pas, Seuil du seul est le récit d’une randonnée solitaire en Écosse, sur l’île de Skye.
Pierre Cendors fait retour à une primitivité où le terrestre et les éléments premiers portent la trace du chaos dont ils sortent.
Le livre magnifiquement accompagné de photographies plus qu’illustratives de Jacques Mataly devient “le carnet d’une descente en soi, d’une catabase poétique.”
Le poète et romancier y reste voyageur et baladin attentifs aux souffles des lieux là où l’Un se mêle à tout et où il perd volontairement son “visage” en 48 fragments entrecoupés du récit d’une marche sur l’île.
Il s’agit moins de prétendre à renouer avec le moi profond que de corriger “le faux prestige de l’identité” par un mouvement fluctuant, nocturne et retrouver “une pensée première, une force ignée de la pierre, à l’image de son paysage”.
Le poète crée une sorte de synthèse de deux de ses livres, L’Invisible dehors et Tractatus solitarius et redevient le marcheur — dont le nom se veut “un promontoire non-identitaire” — qui s’arrête pour écrire et s’assied pour avancer d’un pas plus loin dans des paysages pour lui matriciels où, depuis longtemps, il a appris “les rudiments d’un art un peu oublié : l’errance éveillée”.
Celui qui vit reclus à la campagne, près de Paris, propose donc une métaphore de la mémoire et du rêve. L’auteur lui-même reste un “objet” plus que sujet de déplacements et d’errance.
Il casse la ronde du réel dans ses visions. Nul évènement si ce n’est la présence nue d’un corps naufragé mais en reprise de lui-même. Comme pour retrouver non un temps passé mais à venir.
Les îles se couvrent soudain d’imaginaires par celui s’y est glissé. Mais l’espace ouvre un passage.
Là où la silhouette a suivi tant de nuages elle laisse tant de ciel à son passage.
jean-paul gavard-perret
Pierre Cendors, Seuil du seul, L’atelier contemporain, Strasbourg, 2022, 80 p. — 25,00 €.