Dans ce livre, Valéry Molet ne se laisse pas totalement phagocyter par Farges et, même si ce n’est pas le but premier de l’ouvrage, le poète reprend à sa main le logos pour le fluidifier.
Certes, “le philosophe ne cesse de s’adresser à lui-même — d’une réponse consistante à la question : « de quoi parles tu ? », laquelle appelle immédiatement la suivante : « que dis-tu de ce dont tu parles ? »”.
Mais Molet de prouver, que contrairement en ce qu’écrit Farges, le langage est sinon l’objet privilégié de la philosophie du moins une des questions essentielles. A l’avoir mal comprise, beaucoup ont fait de la spéculation une déshérence.
Dans ce livre, l’échec du logos est sauvé par “lalangue” (Lacan) poétique qui “Au-delà de l’image / Et de la paranoïa / Simulant la hauteur de vue” permet de fuir “la fiction de la cohérence”.
Se mélange ici la vision poétique du paysage et de l’amour à des apartés philosophiques sur divers pans de la réalité.
Et si du côté de Plougastel un baiser — là où “Les camping-cars cuisaient dans la soucoupe / De leurs antennes paraboliques/ Pointées vers le ciel comme tes seins /Menus dans ma paume” — permet de sauver ce qui peut l’être, c’est sans doute parce que la transitivité de deux langues en contact arrache la mauvaise foi du sens par l’exténuation des sens dans leur activité de plein air.
Bref, elles réussissent là où la farce des mots est un échec. C’est d’ailleurs ce qu’à compris un célèbre patient d’une psychiatre. Passant avant son dernier rendez chez Castorame et sachant qu’il ne pourrait jamais lui en rouler une, il lui offrit une pelle.
jean-paul gavard-perret
Valery Molet & Julien Farges, Fermeture ajournée des zones d’ombre — Poésie, philosophie, Editions Sans Escale, 2022, 110 p.