Une saga féminine et foisonnante
Ce quatrième et dernier volet de la série s’ouvre pendant la Semaine sanglante, en mai 1871, semaine qui signe la fin de la Commune de Paris. La comtesse Aristophania s’interpose entre un peloton d’exécution et un homme qui déclare être son fils. Elle ne peut, cependant, empêcher sa mort.
Puis le récit se projette quarante ans plus tard, alors que le Roi banni fomente une insurrection à Marseille. Aristophania, en compagnie de Calixte et Victor, les deux orphelins qu’elle a recueillis et qu’elle initie aux mystères de l’Azur, sont poursuivis par les sbires du Roi banni. Ils doivent absolument trouver la source Aurore pour empêcher la France et le monde de sombrer dans le chaos. Mais…
Les auteurs proposent, avec cette série, une saga de french fantasy, ensoleillée par la lumière de Provence. Ils contrebalancent cette luminosité avec l’atmosphère obscure due à une industrialisation fâcheuse. Les scènes dans les fabriques du Roi banni prennent des teintes infernales. Entre ces deux mondes se situe un havre de paix et de félicité en la source Aurore.
Xavier Dorison a voulu se démarquer de la fantasy anglosaxonne à plusieurs niveaux. D’abord en choisissant un cadre bien moins obscur. Puis, il propose des personnages loin d’être manichéens. Il n’y a pas le Bien absolu et le Mal à exterminer absolument. À l’image des humains, ils sont complexes, imparfaits. Ainsi, le méchant de service, le Roi banni, présente dans ce tome des aspects étonnants, comme l’héroïne d’ailleurs.
Les codes principaux du genre sont respectés comme l’existence d’une société secrète (La Cour d’Azur), la figure de l’Élue, la formation de disciples, un récit initiatique… Mais les héros ne sont pas omniscients ni invincibles. C’est aussi la dénonciation du dogmatisme et de ses dangers, des liens avec les effets de la pollution.
Le récit est rythmé par beaucoup d’actions, de retournements de situations. Et le scénariste sait introduire les doses d’humour appropriées au contenu de l’histoire.
Le dessin de Joël Parnotte est sublimé par le choix des couleurs de Bruno Tatti. Le premier présente des planches au graphisme d’une qualité remarquable alors que le second donne des teintes parfaitement en osmose avec le climat du scénario. Il en résulte un album à la luminosité et aux décors flamboyants.
Une série que l’on découvre avec délices par la richesse du contenu tant scénaristique que graphique. Il reste encore des développements possibles. Alors, peut-être que les auteurs, mobilisés pour l’heure par une autre saga, auront, pour le bonheur des lecteurs, plaisir à revenir mettre en scène d’autres volets.
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serge perraud
Xavier Dorison (scénario), Joël Parnotte (dessin) & Bruno Tatti (couleurs), Aristophania — t.04 : La Montagne rouge, Dargaud, janvier 2022, 72 p. – 15,00 €.