Une mort dans la famille (Alexander Zeldin)

La déli­cate mons­tra­tion de la dégénérescence

Les spec­ta­teurs arrivent sur la scène ; ou plu­tôt, cer­tains d’entre eux sont ins­tal­lés au bord du pla­teau. On est ensemble, de plain-pied, au plus proche de l’action. Alexan­der Zel­din confronte le public au déve­lop­pe­ment de conflits fami­liaux, au sein d’un foyer où la mère, veuve, accueille sa mère et doit faire face aux décon­ve­nues sus­ci­tées par l’opposition des com­por­te­ments de la vieille et des ses deux petits enfants, jeunes ado­les­cents d’environ qua­torze ans.
Les fric­tions constantes aux­quelles on assiste dans le pre­mier moment du spec­tacle conduisent à « pla­cer » le per­son­nage prin­ci­pal, la grand-mère, incar­née par Marie-Christine Bar­rault, en ins­ti­tu­tion ; bien sûr c’est contre sa volonté, bien sûr les pen­sion­naires de l’EPAHD sont sym­pa­thiques ; bien sûr le per­son­nel est dévoué et com­pé­tent ; cela n’empêche pas, cela révèle même, sinon pro­voque la détresse irré­pres­sible, presque san­glante, de la dégé­né­res­cence qui appa­raît à cru d’être reflé­tée, comme démultipliée.

En sui­vant une mère prise dans la confu­sion de ses obli­ga­tions fami­liales, ne pou­vant faire face à la charge men­tale de ses mul­tiples devoirs, puis les tranches de vie d’un EPAHD, dans leur sim­pli­cité, dans leur pré­ca­rité, le met­teur en scène attire l’attention sur ce qui ne se montre pas : la fin de vie, la souf­france de l’impotence qui ne cesse de croître en cha­cun de nous inexo­ra­ble­ment, même si c’est long­temps insen­si­ble­ment.
Il va même jusqu’à signi­fier la mort, sous la forme radi­cale d’une absence tou­jours inat­ten­due. Il met bien en valeur la pré­ca­rité de nos exis­tences, l’urgence à vivre ensemble ce qui nous reste encore, pen­dant un temps au moins dont on reste inca­pable de défi­nir la valeur.

Ce fai­sant, il invente un théâtre de genre auquel on ne sau­rait repro­cher d’être trop proche du docu­men­taire, puisqu’il entend jus­te­ment battre en brèche la fron­tière entre la vie et la repré­sen­ta­tion que nous en don­nons sur scène.

chris­tophe giolito

Une mort dans la famille

texte et mise en scène Alexan­der Zel­din
artiste asso­cié – création

Photo de répé­ti­tion © Simon Gosselin

avec

Marie Chris­tine Bar­rault, Thierry Bosc, Nicole Dogué, Annie Mer­cier, Karidja Touré, Cathe­rine Vina­tier et

Nita Alonso, Flores Cardo, Fran­cine Cham­plon, Michèle Ker­neis, Domi­nique de Lap­pa­rent, Fran­çoise Rémont, Marius Yelolo, et
Alio­cha Del­motte, Hadrien Heaulmé, Mona Fer­di­nand Redouloux.

Au théâtre de l’Odéon Ate­liers Ber­thier 1, rue André Suares 75017 Paris

Du 4 au 20 février 2022. Loca­tion www.theatre-odeon.eu 01 44 85 40 40. Durée 2h10.

Scé­no­gra­phie / cos­tumes Nata­sha Jen­kins ; lumière Marc Williams ; son Josh Anio Grigg ; tra­vail du mou­ve­ment Mar­cin Rudy ; dra­ma­turge / col­la­bo­ra­trice artis­tique Kenza Ber­rada ; col­la­bo­ra­teur artis­tique Robin Ormond ; assis­tante cos­tumes Gaïs­siry Sall ; sta­giaire à la mise en scène Mar­cus Gar­zon ; réa­li­sa­tion du décor Ate­lier de construc­tion de l’Odéon-Théâtre de l’Europe.

Pro­duc­tion Odéon-Théâtre de l’Europe, copro­duc­tion Grand Théâtre de Luxem­bourg, Comé­die de Genève, Théâtre de Liège, Comé­die de Clermont-Ferrand.

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